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Watchmen, Le Film


poseidon2
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Aussitôt sorti, aussitôt vu, tel est la devise de Jkks !
Voici donc la critique du film de la part de Jkks qui l'a vu en avant première. Pour une critique de l'oeuvre en elle-même, rendez vous ici



Depuis sa publication au milieu des années 80, Watchmen (ou Les Gardiens pour sa première traduction française) a toujours fait figure d'OVNI, perdu dans une production, il faut bien l'admettre, peu habituée à des oeuvres aussi matures et "littéraires". D'emblée, le roman graphique est érigé en classique, au delà même de la sphère des lecteurs de comic-books, par sa volonté de traiter le phénomène du super-héroïsme (ou vigiliantisme) en s'affranchissant des codes, limites et contraintes inhérents au genre. Son auteur, le britannique Alan Moore, à qui l'on doit déjà le fabuleux V pour Vendetta, est érigé en icône de la contre-culture et devient en 2005 le seul auteur de bande dessinée à intégrer le prestigieux classement du Time Magazine recensant les 100 meilleurs ouvrages de littérature en langue anglaise publiés depuis 1923. Évidemment pas exempt de défauts Watchmen réussit pourtant l'exploit de réconcilier les aficionados du genre et les amateurs d'une littérature plus "classique" en offrant une réflexion profonde et subtile sur la légitimité d'un petit groupe d'individus à faire régner l'ordre et en entremêlant les histoires, vies et destins de personnages fatigués, usés et faillibles à quelques instants de la fin d'un monde.

Dès sa parution, Watchmen fait saliver ce que le tout-Hollywood compte de producteurs prêts à débourser une fortune pour adapter au cinéma les douze chapitres du roman graphique original. Le projet passe entre les mains de réalisateurs aussi prestigieux que Terry Gilliam, Darren Aronofsky ou Paul Greengrass qui finissent tous pas jeter l'éponge principalement en raison des difficultés à transposer à l'écran la densité et la violence du sujet dans un film commercialement exploitable. En 2007, la Warner décide de mettre fin au statu quo et confie Watchmen aux soins de l'inexpérimenté Zack Snyder qui vient de réaliser avec un succès relatif l'adaptation du très controversé 300. Et il aurait déjà fallu voir dans ce choix le signe annonciateur d'un désastre cinématographique en devenir. Parce que l'écriture d'un Frank Miller n'a rien à voir avec celle d'un Alan Moore. Quand le premier conçoit ses scénarii comme des story-boards utilisables sans la moindre modification (ou presque), le second écrit avant toute chose (et de de manière quasi exclusive d'ailleurs) pour son médium. Les implications de ce constat sont relativement simples et malheureusement sans appel: l'adaptation de Watchmen ne saurait se contenter d'être bêtement littérale comme le fût celle de 300, une bonne appréhension des différents aspects du sujet et un film, au final, fidèle à son esprit nécessitent un recul que Snyder et les scénaristes du film n'ont jamais su prendre. Il convient d'ailleurs de s'interroger sur l'emploi du qualificatif "adaptation" lorsqu'une équipe créative se contente de condenser une intrigue en copiant de façon quasi systématique les dialogues et les partis-pris visuels du roman graphique original. Parler de transposition serait probablement plus correct. Et le drame est que cette transposition mécanique, impersonnelle et dénuée de toute vision (ce qui est plutôt amusant pour un réalisateur que l'on nous présente depuis des mois comme "visionnaire") ne fonctionne jamais. Des scènes incroyables dans le comic-book du point de vue de leur impact émotionnel (comme celle de la "naissance" de Rorschach par exemple) perdent ici toute leur force au point que le spectateur se trouve dans l'incapacité de ressentir ne serait-ce que de l'empathie pour les personnages et les tourments (pourtant manifestes) de leur passé. Quand les situations ne virent tout simplement pas au ridicule. On pourrait dès lors penser que les (rares) fois où le scénario et la mise en scène s'éloignent du roman graphique sauveraient le film d'un inévitable désastre … et bien non ! Elle ne font que l'y précipiter avec un entrain pour le moins déroutant, en enchaînant les raisonnements largement au delà de la limite de l'absurdité (voir la façon dont la fin du comic-book a été "ré-interprétée") ou en mettant l'accent de manière excessive sur l'action (ce qui ne serait finalement pas si gênant que ça) et sur le gore (ce qui l'est sans le moindre doute). C'est en jouant sur ce registre de provocation gratuite, outrancière et terriblement vulgaire que Snyder commet la plus irréparable des trahisons, celle de la subtilité, de la finesse et de l'élégance (relative certes) du support qu'il adapte (pardon, qu'il transpose).

Et on peut en dire tout autant pour ce qui est du choix des scènes qui ont disparues de ce "theatrical cut". Alors qu'Alan Moore avait fait des interactions (magistrales) entre les personnages la clef de voûtes de l'humanité (de la monstruosité) de son oeuvre et l'ossature principale de sa narration, Snyder a préféré étendre ad nauseam les scènes d'actions (au hasard l'évasion de Rorschach) dans un style "clipesque" à pleurer au détriment de scènes plus intimistes (au hasard, une nouvelle fois, toutes celles touchant aux relations entre Dan Dreiberg et Hollis Manson, entre Laurie et sa mère, entre Rorschach et le Dr Long …) qui auraient pu donner à l'histoire toute l'épaisseur qu'elle méritait. Et quid des multiples intertextes (dont Tales Of The Black Freighter ou Under The Hood) dont Moore s'était servi pour étoffer l'univers dans lequel il ancrait son récit ? Inadaptables sans modifications, ils ont simplement disparu de ce montage. On devrait retrouver Les Contes du Cargo Noir dans une édition "Home Video" ultérieure mais cela suffira-t'il pour ne serait-ce qu'approcher la richesse et la densité de l'atmosphère du roman graphique ? Il est permis d'en douter. Pour revenir rapidement sur le traitement des personnages (pour ce qui est des six principaux du moins) il faut tout de même souligner qu'il est particulièrement bien servi par le casting de quasi inconnus qui a été réuni pour le film. De Jeffrey Dean Morgan qui interprète un excellent Comédien à Jackie Earle Haley qui explose littéralement derrière les frusques de Rorschach, les têtes d'affiches tirent vers le haut une production qui ne fait malheureusement que trop peu souvent honneur à leur talent. Le "couple" incarné par Malin Akerman et Patrick Wilson est plutôt convaincant malgré les doutes légitimes que l'on pouvait avoir sur le sujet et même si ce dernier se laisse parfois aller à quelques cabotinages. Billy Crudup, qui incarne le seul personnage doté de super-pouvoirs, réussi de son côté l'exploit de reproduire l'aura messianique du Dr Manhattan dissimulé derrières des effets visuels par toujours convaincants. Et c'est aussi sur ce point que le film déçoit. Alors que certains tableaux impressionnent par leur virtuosité plastique d'autres paraissent définitivement trop toc pour que l'on puisse totalement s'immerger dans ce New-York alternatif de 1985. Et c'est aussi sur ce point que Snyder se rate parce que les reconstitutions "physiques" qu'il convoque pour le film manquent cruellement d'ampleur. Avec la meilleur volonté du monde, on se retrouve donc dans la position du spectateur qui refuse la "suspension d'incrédulité" nécessaire à l'acceptation de toute fiction. Au chapitre des ratages, nous pourrions aussi déplorer la garde à vue prolongée de Larry Fong qui l'a empêché de photographier la scène finale. Il ne s'agit là évidemment que de suppositions mais comment expliquer autrement une image aussi fade et des cadrages aussi maladroits ? Et que dire des quelques instants acceptables systématiquement ruinés par un habillage sonore grotesque qui atteint les sommets de l'imbécilité lors d'une scène "torride" entre Nite Owl et Silk Spectre durant laquelle Zack Snyder (complètement à côté de la plaque) démontre un talent de metteur en scène qui aurait toute les chances de plaire à … Marc Dorcel.

Peut-être la principal inaptitude du réalisateur de 300 a-t'elle finalement été de n'avoir jamais réussi à prendre toute la mesure du roman graphique pour en extraire la substance et livrer un film qui aurait retrouvé le souffle épique et l'atmosphère désabusée qui ont véritablement construit sa singularité. Ce Watchmen est la preuve ultime (et sûrement tragique) qu'il est possible de copier une oeuvre et de la trahir dans ses grandes largeurs.

JKKS
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Bon a priori il devrait y avoir 3 versions. La version ciné, une version de 3h du film et une version de 3h20 avec The Tales of the Black freighter en animation en parallèle du film...

Moi je dis que quand même Snyder est quand même un vrai fan pour avoir fait ca. Sinon il paraitrait qu'il est dit que si son film était recu comme une bonne bande annonce au comic book il s'estimerait content.
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Et il a aussi dit que son film était le film de comic-book ultime et que le genre mourra après lui rolleyes.gif
Pour les 3 versions je confirme, juste un petit correctif sur les durées, c'est 3h10 pour la version longue et 3h25 pour la version intégrant au montage du film Tales of The Black Freighter et ... Under The Hood.

Au passage, en cas de succès, l'un de des montages inédits pourrait faire l'objet d'une ressortie en salles.

Pour revenir sur Snyder, je pense qu'il était animé des meilleurs intentions du monde mais qu'il n'a juste rien compris à ce qu'il adaptait.
Au même titre que les scénaristes avec lesquels il a travaillé d'ailleurs.
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