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Soupe Froide


Monfreid...
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Le lien est bon mais sur bd-net l'image n'est pas la bonne


SOUPE FROIDE
De Charles Masson
chez Casterman (écritures)

Résumé:
Un soir, un clochard s'enfuit de la maison de repos où il a été placé pour passer l'hiver. Pieds nus, en pyjama sous la neige, il traverse la campagne glacée à cause d'une infirmière qui lui a servit une soupe froide. Pour lui, c'est pire qu'une insulte. La soupe froide est tout juste bonne pour les chiens, pas pour un être humain. Humilié, il préfère risquer sa vie que rentrer dans cet hospice si peu attentionné à son égard. Histoire inspirée d'un fait divers véridique

Avis: Il serait facile de faire deux choses pour ne pas avoir à donner un avis sur ce très bon album. La première serait de se concentrer sur la préface de Winckler (auteur de « la maladie de Sachs ») en lui laissant la parole, tant elle est de bonne qualité. La deuxième serait de se concentrer sur la postface de l’auteur, qui nous explique l’aspect « véridique » de l’œuvre, tant elle se suffit à elle-même. Mais à trop faire le journaliste on en oublierait presque de parler de ce qui se passe entre la préface et la postface.

Alors passons au-delà de l’aspect « fait divers » qui n’a d’intérêt que si l’on veux bien faire quelque chose et non continuer de se lamenter sur le monde(où si l’on veut vendre des journaux). L’histoire ressemble à un conte, c’est un hiver rigoureux et la chaleur réconfortante d’un intérieur connu invite à se rassembler autour de sentiments amicaux. C’est l’histoire d’un vieux monsieur, plutôt brillant et lucide qui laisse des traces dans la neige et s’en va à la recherche d’un endroit à travers la forêt et sur la route. Un conte pour enfant turbulent alors, un conte à faire peur. Le vieux monsieur est un clochard qui soliloque futilement sur sa propre misère et sa condition, les « autres » humains eux ne sont heureux que parce qu’ils ne voient pas ce clochard errant. Masson dote son personnage d’un monologue sans fin, un discours que l’auteur met en parallèles avec notre vie de tous les jours. L’impact de cette narration ne vient pas de sa lucidité ou de sa vérité mais de son inéluctabilité, le clochard ne parle pas pour dénoncer ou pour mettre en évidence les travers et les aveuglements de notre société. Ces effets ne sont que des conséquences de son souci premier : avancé ! Il parle pour continuer de marcher. Le lecteur ne peut alors que s’imprégner de ces paroles, que se sentir étouffé par elles. Le fait que le scénario montre d’autres vies en les calquant sur le monologue ne fait qu’accentuer cet effet, grâce à cela on s’aperçoit à la fois des similitudes entre nos vies et la sienne, mais aussi des errances de chacun. Quand le clochard croit que l’on ne s’intéresse pas à lui on appelle la police ce qui le contredit mais plus loin la police ne le remarque pas, accréditant son propos à retardement.


Mais c’est l’interaction avec le dessin qui montre l’aspect le plus important de ce récit. Les dessins nous montrent les deux aspects du monde, celui que l’on connaît et la misère du clochard…mais aucuns ne montre ce qu’il se dit (sauf « j’ai mal aux pieds »). Le graphisme prend le parti pris du noir et blanc, en les traitants par un contraste extrême Masson ne rend pas les choses manichéennes et donc plus faciles à digérer. Au contraire, jamais les « lignes de démarcations » ne sont lisses et polies, toujours le brouillon, le flou nous empêchent de « comprendre » d’ordonné notre esprit en fonction d’une réalité tangible. Les objets sont clairement définis mais jamais les personnages qui toujours sont entre deux poses entre deux vagues, en attente. Tandis que le clochard lui est flou parce qu’il est actif, parce qu’il sait qu’attendre c’est mourir de froid et que l’attente est aussi un luxe qu’il ne peut plus se permettre. La mise en page accentue cette ambivalence, entre propos « quasi en bulles », froideur du quotidien d’une nuit d’hiver, inquiétude neurasthénique, fonctionnarisme standardisé et incompréhensible. En tant que dessinateur Masson ne fait pas dans « l’art » dans le beau ou dans l’efficace, il donne dans le sentiment sans effet. Par habitude on aime voir les sentiments dessinés clairement, on aime à les comprendre ou à en percevoir les nuances. Ici : non ! Masson rend les sentiments tels qu’ils sont imprenables, insaisissables et insondables. Pourtant il le fait avec rigueur et sans fausse pudeur, retraçant d’un même geste la cruauté absurde du monde, par des traits superbe à la beauté opposée aux épures zen.

Il s’agit donc d’une BD rare, car justement elle s’éloigne du « fait divers » et de la « morale bâtarde fille d’un christ millésimé » (Léo Ferré) ; tout ici va à l’encontre du pathos facile des médias ou de la tentative de compréhension d’un groupe d’individu, c’est la peinture possible et crédible de l’intérieur d’un homme. Ainsi en s’éloignant des figures littéraires des voyageurs et des vagabonds en tout genre, Masson surprend le lecteur avec force sensibilité et qualité.
Un album rare et superbe.


Bien à vous et bonne lecture,
Monfreid...
(merci à Ferré d'avoir été là avant ça )
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  • 2 weeks later...
  • 2 weeks later...
Tu sais que je fais des insomnies alors tu n'as cure de me filer une nuit sans sommeil :wink:

Mais oui j'ai de l'engouement pour cette BD et même avant de rencontrr son auteur :wink:

c simple elle m'a émue :wink:

bien à toi et à te lire,
Monfreid...
PS: je sais que ce la ne veux pas dire grand chose mais sa nomination montre que certaine spersonnes l'estime aussi
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  • 4 weeks later...
je viens de le lire et j'ai adore .maintenant c'est une de mes Bd preferees mais c'etait dificille de le trouver alors j'ai du le commander mais je regrette pas.merci
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CITATION(Monfreid)
Cet album vient d'obtenir le prix France Info 2004  :D


La radio France Info a attribué le prix de la Bande Dessinée d’actualité et de reportage 2004 à l'album Soupe Froide de Charles Masson. Il est à noter que cet album est la première oeuvre d'un médecin qui s'est inspiré de sa propre expérience.
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  • 2 weeks later...
Ca y est c'est lu!
j'ai tout simplement accroché du début à la fin. En plus il était à Angouleme en dédicace! Malgré toutes les bonnescritiques ici ou ailleurs et le prix et nomination, il n'y avais personne a son comptoir :shock: le dimanche matin, j'avoue de na pas avoir tout saisi, en tout cas ma chance elle l'a été (saisie). Heureux! et merci a ce réunionnais de m'avoir fait partager ce moment. biggrin.gif
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  • 1 month later...
Je me permet de déterrer le topic de cet album dérangeant et splendide.

Pas grand chose à ajouter à vos dires si ce n'est : quelle claque ! :shock:
Je confirme les dires de Monfreid, c'est un album rare comme on aimerait en voir un peu plus souvent (à l'heure où beaucoup de sorties donnent une désagréable impression de déjà lu :? ).

A lire si ce n'est déjà fait !
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  • 3 months later...
SOUPE FROIDE a reçu le "prix du meilleur premier album" au Festival de Sierre en Suisse, ce week-end.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, Sierre est le second festival de BD francophone après Angoulème.
Surprenant d'avoir un prix pour un bouquin sur un type qui meurt de froid dans la neige... Prix remis au tout début de la canicule...
Surprenant... Mais bien cool.
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  • 1 month later...
J'avoue que dans un premier temps j'ai failli m'étouffer en lisant ton avis "trop de trait" :shock:

mais bon je crois vraiment que c'est un des charmes de ce dessin justement..;de mettre plusieurs couche d'offrir un aspect rugueus, non lisse qui tranche avec les noirs et blancs totu "gentil" de la plupart des mangas (je n'ais rien contre) mais surtout avec pas mal de productions européennes dont les couleurs et le rendu sont tous uniformes (là j'ai quelque chose contre)

je crois donc que c'est le style du dessinateur...que cet aspect "gribouillis" est parfaitement volontaire...

m'enfin si tu n'accroches pas à ça effectivement tu dois avori du mal à t'investir au niveau des sentiments dans le récit

bien à toi,
Monfreid...
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  • 7 months later...
Bon ben inutile de dire que cet album est extrêmement bien puisque ça a déjà été fait de multiples fois précédement... :roll:

C'est bizarre (honte sur moi d'ailleurs! :oops: ) mais j'étais persuadé que Charles Masson était américain, alors qu'il est né à Villefranche-sur-Saône! Peut être que comme le souligne Winckler dans sa préface c'est parce que ça me fait penser à de l'Eisner??? :?

Finalement, je comprends Alucard pour le dessin, parce que ce n'est pas facile de s'y habituer. Ne serait-ce que parce qu'il est difficile de voir les expressions du visage du SDF au milieu de toute cette barbe, ces cheveux et ces terribles cernes! Mais c'est vrai qu'une fois qu'on s'y fait ça donne quelque chose de terriblement efficace....et de vrai!

Juste une petite question à Monfreid qui écrit:
CITATION
...C'est l'histoire d'un vieux monsieur, plutôt brillant et lucide...


Pourquoi tu utilises ces deux adjectifs? :| C'est vrai que je vais chercher la petite bête là... :roll: :wink:
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CITATION(lapingue)
Juste une petite question à Monfreid qui écrit:
CITATION
...C'est l'histoire d'un vieux monsieur, plutôt brillant et lucide...


Pourquoi tu utilises ces deux adjectifs? :| C'est vrai que je vais chercher la petite bête là... :roll: :wink:



bon déjà, il faut toujours remonter un topic pour donner son avis :wink:

ensuite...
1.5 ans après la chronique :shock: :roll: (enfin pas loin)
et en attente du prochain masson.

je pense que j'ai utilisé ses deux termes
parce qu'il à brillament échappé à ses gardiens... :wink: (et je ne blague pas)
et lucide parce qu'il va à sa mort, il sait où il se dirige, c'est aussi l'incarnation de la conscience d'un monde qui s'éteint, d'une flamme qui vacille...le chagrin, la misère, la douleur etc ont toujours été pour moi lié à la lucidité.

voilà, j'espère que j'ai répondu à ta question

bien à toi et merci de ton avis,
Monfreid...
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Oui, merci tu y reponds! :wink:

Pour le "brillant" je pensais que tu avais décelé quelque chose dans son comportement, ou dans le récit qui t'avais fait penser qu'il avait été très brillant dans sa vie précédent celle où il est dans la rue. :? J'espère m'être bien fait comprendre...

Pour la lucidité, j'ai trouvé que par moment il en manquait un peu, notamment je pense à cause du froid, de la douleur.... comme le montre par exemple le passage où il escalade les fils barbelés... Mais bon c'est sûr que là, c'est plus un manque de lucidité sur l'instant par rapport à la lucidité que tu décris : chagrin, douleur...
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sur "brillant" je te comprends... :wink:
à la réflexion "ingénieux" ou "obstiné" aurait été plus adéquate...

mais ce qui est intéressant c'est que l'on ne sait rien sur qui il était avant.

et ce n'est pas rien
tiens si on prend le film de jugnot sur les clochars! c'est avant tout un film sur la déchéance d'un homme etc.
et au final on finit par en savoir un peu plus sur les clochards...
on est obligé pour s'attacher à eux de les connaitres, de savoir leur réaction et encore plus dans le cas de jugnot...sans son passé, il n'est pas de compassion possible.

alors que masson arrive à faire sent ça, ce qui fait que forcément jugnot (malgré lui je n'en sait rien) tombe un peu dans une vision moraliste du monde...
de même que les reportages télé (surtout de la 1..ces jours ci je regarde les jounaux de tf1 c'est affligant de désinformation quand même aujourd'hui 15 minutes sur la neige pour finir sur un rap...bref)

alors que là non, c'est juste un individu du coup, ça choque plus, on s'identifi à son errance plutôt qu'à sa condition.
on peut le prendre en pitié aussi mais je ne pense pas que ça soit le ton voulu...
forcément cette errance nous rapelle la notre (c'est sûr si tout va bien pour le lecteur et qu'il n'est pas un tant soi peu empathique ça marche pas)
ce qui amène à de la réflexion..

et vi pour lucidité, tu n'as pas tort..
disons que là encore "obstiné" aurait été
quoi qu'à la refléxion, obstiné ça suppose une volonté, un esprit, une intention..alors que là il y a quelque chose de "primaire" et de simple (euh...pour moi c'est un compliment) quelque chose qui dépasse la raison...les barbelés comme symbole des clivages sociaux contemporains tout ça tout ça...

et dans brillant, me connaissant il devait y avoir une connotation "mystique"... tongue.gif

bien à toi,
Monfreid...
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