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Otaku [attention SPOILERS]


M_Spock
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CITATION(zeas)
Volontaire ou plus ou moins inconscient ?  :D

Etant donné que je n'ai pas de recul là-dessus, je dirais donc plutôt inconscient. Je cherche à pratiquer une bande dessinée assez perturbante dans ce qu’elle dégage. La toute première Bande Dessinée que j’ai lu, étant enfant, était Vuzz de Philippe Druillet. C’est un album qu’il réalisé alors que sa femme était malade du cancer, ça raconte les « aventures » d’un solitaire qui parcourt un monde en train de se désagréger. C’est extrêmement rêche, désagréable et oppressant, tant dans le dessin que dans ce qui est raconté. C’est un bouquin au découpage très cinématographique (je ne lisait pas encore à l’époque), que j’ai parcouru des centaines de fois et qui m’a profondément marqué. Il n’y a pas longtemps j’ai fait le parallèle avec des choses difficiles que je vivais sur le plan familial à la même période. Cette Bande Dessinée a donc été doublement fondatrice pour moi : par sa forme elle a posé pour moi sans que je le sache le canon de ce que devait être une bande dessinée, tout en servant de réceptacle à des sentiments que je ne pouvais pas exprimer. Jusqu’ici j’ai donc cherché inconsciemment à réaliser une bande dessinée qui ait le même effet traumatisant/libérateur sur le lecteur. Je crois que c’est pour ça que je choisis des thèmes qui peuvent toucher pas mal de gens mais qui sont tabous (le mal être de ma génération, le sentiment d’obsolescence de la génération de mes grands parents, la « vraie vie peu glorieuse» d'artistes célèbres, ou encore le désinvestissement politique de ma génération avec Otaku.)
C’est drôle d’ailleurs, parce qu’ Ambre et moi avons tous les deux Druillet à la base de notre désir de Bande Dessinée.
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Et bien...
Il suffit que je m'absente en gros Week end et je ne reconnais plus le topic.
Je voudrais en tout cas remercier chaleureusement Lionel Tran d'être passé ici, je l'éspérais secrètement en ouvrant le topic, me disant qu'avec un furieux comme Monfreid, les échanges seraient très riches...
Je ne suis pas déçu. De tels échanges ne sont pas si fréquents et j'apprécie énormément d'avoir un retour de la part de l'auteur, surtout pour une oeuvre assez difficile comme l'est Otaku. Cela me prouve en tout cas que je suis passé à coté d'un certain nombre de choses.
N'empeche, quand Monfreid l'aura lu, le topic va devenir chaud...
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CITATION(M_Spock)
.N'empeche, quand Monfreid l'aura lu, le topic va devenir chaud...



déjà il faudrait que le monfreid en question, il puisse la trouver
2 librairies sur 4 ouvertes ce matin!
toutes les deux mêmes réponses "nous l'avons en stock, ils nous en restent 1 exemplaire"...et impossible de mettre la main dessus :? :roll: :?

je retente cet après midi (mais ça va décaler mon intervention).

en tout cas M Spock à raison, le fait de voir les auteurs venir discuter avec nous c'est quand même une opportunité assez rare qu'il ne faut avoir de cesse de souligner.

par contre...M spock, tu ne me met pas du tout la pression là laugh.gif
je me sens serein :roll: laugh.gif

bien à vous,
Monfreid...qui espère mettre la main sur cet album !
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Tout d'abord Merci à Lionel Tran de participer à ce forum.

Donc j'ai une petite question qui va peut être être complètement à coté de la plaque et qui va me faire honte jusqu'à la fin de mes jours mais je me lance quand même : Mui ne serait elle pas enceinte ?
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CITATION(Rand)
Mui ne serait elle pas enceinte ?

Ca fait partie des points sur lesquels je disais être passé à coté...
Il y a un post sur le forum de bédéka où ce point est abordé, disant que les filles le voient tout de suite. Les hommes, eux, mettent un peu plus de temps à faire le lien entre le texte de la première page et le fait que Mui vomisse régulièrement...
En tout cas, j'aurais tendance maintenant à penser que oui. Mais dans ce cas là, la question que je poserais volontiers aux auteurs est : quel est, pour vous, le sens de cette grossesse ?

CITATION(Monfreid)
tu ne me met pas du tout la pression là

Je ne cherche pas à te mettre la pression, reste toi même, et on peut s'attendre à du bon. En plus, j'ai remarqué que ce week-end, tu étais particulièrement en verve, ça promet...

J'envisage la création prochaine d'un fan club de Monfreid :priere:
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CITATION(anne)
mais moi lire un truc comme ça ,ça me fou parfois mal a l'aise,je me pose milles questions...(...)  c'est pourquoi j'hesite toujours à lire .


Je rebondis sur vos dernières remarques pour répondre aux interrogations d'Anne. Je suis un peu embêté : il est possible que le livre te mette mal à l'aise par son traitement, mais d'un autre côté, je pense que tu percevrais le point de vue de la narratrice d'une manière différente, qui adoucira probablement ta lecture. Je peux en tout cas te garantir une chose : le livre possède une dimension sensible importante.
Plusieurs libraires femmes, travaillant en librairie généraliste l'ont lu et apprécié. Quand j'ai cherché à les sonder pour savoir si la grossesse de la narratrice leur était apparue à la lecture, elles m'ont répondu un peu outrées que cela était flagrant. Etrangement, peu de lecteurs masculins l'ont perçu, et en tout cas ce n'est pas par là qu'ils ont commencé leur lecture.
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CITATION(lionel tran)
elles m'ont répondu un peu outrées que cela était flagrant.

C'est là qu'on voit les différences hommes/femmes : je me suis senti bien bête quand j'ai compris (et encore j'ai été aidé). Mais curieusement, ça m'a un peu frustré car j'en ai conclu que j'avais eu une lecture trop superficielle de l'oeuvre (j'ai quand même 2 enfants, j'aurais du me rendre compte de quelque chose...).
Il n'empêche que mon interrogation demeure : Quel sens avez-vous voulu donner à cette grossesse (car je présume que cela n'est pas anodin) ? A vrai dire, je ne sais pas si je dois l'interpréter comme un signe de retour dans une "normalité sociale" ou au contraire comme le signe que cette génération, non contente de vivre en dehors de la société, se reproduit à l'identique.
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CITATION(lionel tran)
CITATION(anne)
mais moi lire un truc comme ça ,ça me fou parfois mal a l'aise,je me pose milles questions...(...)  c'est pourquoi j'hesite toujours à lire .


Je rebondis sur vos dernières remarques pour répondre aux interrogations d'Anne. Je suis un peu embêté : il est possible que le livre te mette mal à l'aise par son traitement, mais d'un autre côté, je pense que tu percevrais le point de vue de la narratrice d'une manière différente, qui adoucira probablement ta lecture. Je peux en tout cas te garantir une chose : le livre possède une dimension sensible importante.
Plusieurs libraires femmes, travaillant en librairie généraliste l'ont lu et apprécié. Quand j'ai cherché à les sonder pour savoir si la grossesse de la narratrice leur était apparue à la lecture, elles m'ont répondu un peu outrées que cela était flagrant. Etrangement, peu de lecteurs masculins l'ont perçu, et en tout cas ce n'est pas par là qu'ils ont commencé leur lecture.


faut pas etre embeté! tongue.gif

je viens de lire tout le contenu de vos posts ,à tous...(vous etes de grands bavards :roll: ) et je n'ai plus qu'une envie,aller me plonger dans cette bd...je vous donne mon impression une fois lue! :wink:
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CITATION(anne)
je viens de lire tout le contenu de vos posts ,à tous...(vous etes de grands bavards :roll: ) et je n'ai plus qu'une envie,aller me plonger dans cette bd...je vous donne mon impression une fois lue! :wink:


tout pareil que Anne!

je n'avais rien lu auparavant sur Otaku, si ce n'est entreapercevoir la couverture dans une librairie. Deja je trouvais cette couv interessante, mais apres avoir lu votre discussion, maintenant j'ai furieusement envie de lire cette bd afin de me forger ma propre idée sur celle ci!

et merci encore d'etre passer par chez nous, mister Tran! ca fait toujours plaisir de voir que certain auteur participent a nos discussions!
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Avant que cela ne rebondisse, j’aimerais aborder un point soulevé au début de ce forum :
CITATION(M_Spock)
En ce qui concerne un point de vue de lecteur, je dirais que, par construction, cette BD est nécessairement caricaturale. En effet, elle se contente de s'intéresser à 2 populations assez extrémistes : les otaku (et encore, juste un couple) et les gens qui galèrent dans l'underground artistique français. A mon avis, le simple fait de choisir des populations aussi cachées du reste de la société peut donner une image caricaturale (car peu de gens connaissent des personnes correspondant au profil). (...)Pour autant, le désir des auteurs d'échafauder une réflexion sur le désengagement des jeunes générations est intéressant et finalement, le fait de choisir des populations aussi extrêmes pour l'illustrer ne me parait pas saugrenu. En effet, ayant affaire à des jeunes formés et instruits, censés être à l'avant garde de la technique ou de la création artistique, le fait qu'ils soient complètement en dehors de la société et ne s'intéressent pas à son évolution est révélateur d'un malaise.

Ivan Brun et moi avons longtemps fait partie de l’underground lyonnais, j’ai tenu une galerie underground, organisé de nombreuses expositions d’art corporel dans une boutique de piercing, où je faisais venir des graphistes décalés et extrêmes (je tenais une rubrique l’underground de l’underground à la période où je travaillais pour le magazine Jade.) Ivan Brun a pendant 9 ans été chanteur du groupe de hard core lyonnais «Coche Bomba » ( http://la.france.pue.free.fr/cb.html) Le milieu que traversent les deux protagonistes d’Otaku est donc le nôtre ou l’a été pendant longtemps.
CITATION(Monfreid...)
et que faisant fi de leur expérience, ce soit plutôt une "oeuvre" un discours qu'un truc fait avec les tripes!

Traiter de manière aussi distanciée un contexte qui nous était aussi proche a été un choix, rendu nécessaire par le thème au coeur de l'album.

Je réponds également à d'autres remarques :
CITATION(Rand)
Donc j'ai une petite question qui va peut être complètement à coté de la plaque et qui va me faire honte jusqu'à la fin de mes jours mais je me lance quand même : Mui ne serait elle pas enceinte ?

Tu n'as pas à avoir honte. C'est plutôt une preuve de finesse d'avoir perçu ça : ce n'est pas amené de manière directe. Notre désir était de restituer le trouble de la narratrice, qui n'arrive pas à parler de ça ouvertement. C'est donc quelque chose qui se sent de manière très diffuse.
CITATION(M_Spock)
Mais curieusement, ça m'a un peu frustré car j'en ai conclu que j'avais eu une lecture trop superficielle de l'oeuvre (j'ai quand même 2 enfants, j'aurais du me rendre compte de quelque chose...)

C'est rare que l'on perçoive tout d'une oeuvre au premier regard. J'aime assez les oeuvres dont je découvre des nouvelles couches de sens à chaque lecture/vision. Nous avons passés beaucoup de temps sur Otaku, superposées les couches, avant de les unifier afin qu'il s'en dégage une première impression presque uniforme. C'est normal de ne pas en venir à bout en une ou même deux fois.
Pour autant, l'idée n'est pas de prendre le livre à la première case et de le décortiquer méthodiquement jusqu'à la dernière, ce serait indigeste. Il s'agit plutôt de permettre des lectures successives, à différents moments, dans différents états d'esprit, où l'on se connectera à différentes chaînes de sens.
CITATION(M_Spock)
Il n'empêche que mon interrogation demeure : Quel sens avez-vous voulu donner à cette grossesse (car je présume que cela n'est pas anodin) ? A vrai dire, je ne sais pas si je dois l'interpréter comme un signe de retour dans une "normalité sociale" ou au contraire comme le signe que cette génération, non contente de vivre en dehors de la société, se reproduit à l'identique.

On nous pose beaucoup la question du sens de cette grossesse. De manière sensible, elle donne une autre teneur à ce que dit et vit la narratrice. C'est sa fonction au sein du récit. Notre intention n'est pas de proposer des perspectives, mais de poser des questions. Cela ajoute une sacrée question dans la vie des deux protagonistes, une question qui reste en suspens. Il n'y a pas d'interprétation à avoir.
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Bon:
il est tard!
mais pas minuit!
j'avais dit aujourd'hui, je poste un "avis" aujourd'hui...je précise, que j'ai trouvé l'album très bien foutu et qu'il ma plu :wink:

je savais pas trop comment faire, alors j'ai posé des pistes, à chacun de voir ce qu'il en pense et s'il veut continuer ou non (les pistes ne sont pas forcément balisés, ça serait trop facile :wink: )...et pis j'ai posé des questions en rappot avec mon ressenti sur deux ou trois point à la fin...

je souhaite bien du courage aux gens qui s'attaquent à ce qui suit :wink:
A trop vouloir en faire, à trop vouloir en dire, je risquerais de perdre le file ténue de la pensée.

La pensée, perd de son énergie au moment même où elle essaye de le poser, de le faire partager aux autres. Constatation de base, ni plus ni moins qu'un aphorisme de bar, son impact reste pourtant en nous. Rien n'est plus difficile que de se faire comprendre.

Otaku, terme qui court les rues, pas encore les grandes artères ou les ruelles provinciales, mais déjà les facs, les milieux "autorisés"…fascination désuète d'une génération pour les monstres silencieux qui la composent. Loin des "cage d'escalier", loin des raves party , loin de tout compromis social; loin de la grande fête organisé en l'honneur de l'entrée dans le monde des jeunes. Se trouvent, des êtres dont l'univers se limite au balayage névrotique de leur écran. Otaku, enfermement volontaire, autisme délibéré, automutilation de l'esprit, forme de "séquestrophilie" plus ou moins élaborée. Qu'en dire ? Qu'en faire ? Que faire ?
Etrange paradoxe que celui qui autorise nos sociétés modernes à dénommer un mécanisme social, à en cerner les contours, sans jamais pouvoir y pénétrer. A croire que tout groupe fermé se positionne d'emblée dans la soumission aveugle de l'animal de compagnie. Trop occupé qu'ils sont à garder leur os, seul garant de la réalité. Des années d'évolution, tu parles! Des années de mutation pour en arriver à la reconnaissance du vide. Otaku, nerds…termes modernes, pour un mutisme ancien.

A croire que l'égarement est la seule réalité commune aux gouffres virtuels.

En choisissant ce vocable, les auteurs ont immédiatement tranché dans le vif. Le portrait sera brut, sans concession; l'image du cutter n'est sans doute pas un hasard. La lame fine et précise, véhicule une douleur insidieuse, à retardement. Le temps de s'en apercevoir il est déjà trop tard, les dégâts sont irréversibles.

A lire ces quelques pages, on ne peut s'empêcher de ressentir l'angoisse diffuse du rat de laboratoire. C'est ça le don d'organe ?

Une génération empirique, laissée à l'abandon des errances de sa carte de crédit.

Mise en place algide d'un constat alarmiste. Comme toute opération à cœur ouvert, cela nécessite de la minutie. Une bonne partie de ce qui va suivre consistera en une observation des préparatifs.

Les auteurs cernent parfaitement le désagrégement de ces groupes en marge. Amas d'improbables matériaux en souffrance, gravitant autour des masses médias. Un éternel processus de reconstruction pour tout avenir. Illusion de vie, attachée qu'ils sont à l'éphémère, parodie du changement, qu'est la soif de nouveauté. La quête de l'inédit pour mieux se voiler la face, paradigme idéal pour échapper à toutes responsabilités.

La situation particulière est bien celle des jeunesses underground (ce monde accepte t'il le "vieux" ?). anticipation osée et réussie de la place du virtuel, de la perte d'identité et du bain "pluri-culrturel". Mélange ethnique forcément superficiel. Epousant la forme du sujet abordé, le ton de l'album est froid et cassant. Un décalage s'établit des les premières lignes avec nos repères habituels. Pas d'aigreur, de revanche à prendre sur la société, aucunes destructions de prévues, aucune hargne…la seule banalité d'un quotidien qui n'est pas le notre. Les personnalités y sot des récifs égarés, dangereux, masqués à fleur d'eau; invisible dans l'océan des foules.

Le dessin joue aussi sur ce décalage, instaurant une dichotomie sociale. On passe constamment de "mini-groupe" se formant au fil des moments et des rencontres, à la solitude la plus totale. Dans ce cadre, les effets de miroir acquièrent une force significative, de la quête de chaque être à trouver son reflet dans l'autre.
L'importance donnée au second plan (dans les situations de groupe) nous rappelle sans cesse que l'on suit un fil donné, mais que ce lien ténu n'est pas de notre fait, surtout qu'il n'a pas plus d'importance ou de signification que celui d'à côté. Le flux évolue sans nécessité d'interventions des protagonistes, il n'y a aucun favoritisme. Etrange sensation que celle de suivre un inconnu dans la rue, un inconnu des plus insipides qui plus est. Le dessin rend parfaitement à la fois les différences morphologique des personnages, mais aussi la similitude de leur ennui.

Se pose alors la question du choix des personnages "principaux". Pourquoi eux ?
Quel besoin de s'attarder sur des individus ?

On peut supposer que leur présence en tant qu'étrangers oblige les autres intervenants à sortir de leur mutisme, qu'un dialogue va s'installer (rôle de la parole échanger).
L'altérité source de nouveauté, de changements, d'attention, d'intention, de conflit, de confrontation. Non ! La différence pour mieux affirmer la vacuité des paroles échangées.
La multiplicité des langues ne change rien à l'affaire, bien au contraire.
Aucun échange ne se forme, aucune émotion ne s'insère entre les mots, pas l'ombre d'un sous entendu, d'un symbole auquel se raccrocher. Tout se réduit, se noie dans l'informatif, tout est futile, tous parlent le binaire.

Rien ne vient troubler ce "train train", les stimuli sont vains. Parfois, on entre aperçoit quelques remous en surface, des ronds dans l'eau, histoire de dire, de faire du spectacle aux poissons. Les souvenirs des instants s'agglutinent en un seul et même résidu, une scorie que rien ne parvient à ébranler. Tout est imperméable.

L'état du monde est celui-ci : l'indifférence.
Evidemment le japon est terre de toutes les avancées technologique et on y perd, plus facilement qu'ailleurs, son identité. Quand bien même, les sursauts pathétiques made in France ne valent guère mieux, tout juste apportent ils du dépaysement bon marché, de quoi passer au jour suivant.
De toute façon que ce soit ici ou ailleurs, les préoccupations sont toutes les mêmes, comment gagner plus et dépenser moins. La raison est devenu un produit de consommation somptuaire, inaccessible; alors à quoi bon ?

Pourquoi parler de quête de sens, de manque d'informations, ils ont tout à porté de main, non plus qu'a se baisser…il n'y pas, il n'y jamais eu de perte de sens, de perte des valeurs, il y a un désintérêt profond.

Les "êtres" ne sont rien d'autres que des canaux, des moments de transitions de l'information ambiante. Dès lors, il nous devient impossible de ressentir de l'empathie envers eux. Bien sûr, on sait la parabole, on devine que les auteurs parlent de nos propres vies, de nos propres errances, de notre ennui. Après tout on a beau faire, on a beau dire, à suivre ces pérégrinations on finit par s'y découvrir, par s'y retrouver.
Excusez moi monsieur, le don d'organe c'est bien par là ?

Idée forte, idée incarnée de ce malaise : Ryu.
Personnage référent, selon dont on ne cesse de nous causer, personnage clé, personnage moteur, père de l'enfant, père du discours, raison du mouvement. Ryu n'est pas là, il n'est jamais là, Ryu n'existe tout simplement pas! Entité latente de l'informatif, géniteur de théorie, de concept, de spectacle, Ryu n'a pas de vie, à peine un corps et encore uniquement en terme d'avatar assez dense pour échanger les paroles les plus basiques. Ryu est un réceptacle, il n'existe que dans le discours de l'autre, il n'a pas d'intimité, pas de choix, pas de risques, pas d'amours…rien! Ryu est le personnage virtuel par excellence.

A partir de là, il faut bien sauter le pas pour en arriver à la narration, à ce qui fait vivre Ryu et les autres : malgré tout!

Le dessin d'abord, il est d'un réalisme, rond, très présent, très fort, il rappelle un peu dans son approche du réel celui de Néaud. On à l'impression (pas désagréable, mais peu souvent ressenti) que l'auteur fait du "réel", pour mieux prendre son pied dans les scènes de flou (et/ou les gros plans). En quelques sortes, il combat parfois l'axe du discours en donnant à voir tel ou tel détail. Comme s'il essayé de faire vivre les personnages malgré eux, en leur créant une carapace. Surtout il donne à voir un monde "mangaifié".

Sans faire dans le "je copie le manga", l'auteur semble avoir pris le parti de dessiner chaque case avec en tête, une référence à ce genre. Il apporte au monde une uniformisation des plus troublantes. On à l'impression désagréable de voir évoluer des personnages de "bande dessinée". Là encore, il s'instaure une distance d'avec le lecteur.

Pour autant, il se dégage de la composition des plans et de leur enchaînement, une force narrative incontestable. En se démarquant à plusieurs reprises du texte, le dessin offre une autre vision de l'indifférence qui sclérose ce monde et ces références. L'intimité de l'héroïne perd tout son érotisme. C'est un éclairage nouveau sur les faits. Je pense que cela vaudrait le coup de lire l'album sans le texte, juste à l'aide des planches, pour cerner l'étendue de ses possibilités.
D'autant plus, qu'en y "ressentant de plus près", on s'aperçoit que les images du jeu "exil", censé être du virtuel, sonnent plus juste et plus vraie que les images de l'albums.

Ce décalage d'avec le texte, va nous permettre de prendre en compte l'élément principale de cet album et de sa narration : la femme.

Ou plutôt, l'image, le discours de la femme. Une femme, jeune, moderne, underground, enceinte, qui s'exprimer en voix off. Autant de pistes possibles.

Si on s'en tient à son image sexuelle, à sa présence physique, il y a deux choses à retenir. Soit elle n'est, encore une fois, qu'un réceptacle à phantasme. Que ce soit pour des programmeurs ou des vieux pervers, le corps n'est que matière à onanisme spirituel. Il en va de même dans son métier, elle ne joue pas, elle est "figurante" d'un spectacle joué sans elle, sans son corps.
L'autre chose, c'est son corps nu. Il ne s'en dégage aucun érotisme, dans un bain on pense au suicide, les cuisses écartées cela confine au vulgaire; même le sado masochisme soft n'arrive qu'à démontrer le côté mécanique, rituel de l'accouplement auquel on assiste. Corporellement, voyeurs nous sommes, voyeurs nous resterons. De ces chairs naît l'envie, pas le désir.

Ces enfants perdus, livrés à leur propre désolation, sont devenus incapables de jouir. Simulacre…sans aucun doute, c'est sûr, le don d'organe c'est par là !
La tournure féminine n'est heureusement pas uniquement là, pour délivré quelques messages mortifiant sur l'absence de appétence sexuelle.
La voix off, est elle absente, en dehors des cases, elle les commente, sans y vivre. Pourtant c'est de cette absence que surgit le sens, ou disons le significatif (qui n'est pas le signifiant), la direction à suivre. Son état, lui permet d'être à la frontière entre deux mondes. Il est là le véritable enjeu narratif, pas dans la différence, l'étrangeté, mais bel et bien, dans ce rappelle de la nature.
Le corps réclame autre chose, fait sa loi, forcément la raison reprend le dessus, puisque le quotidien n'est plus l'impasse d'une seule mais bien la construction, la préparation d'un avenir. Elle est en gestation. Ce qu'elle porte en elle, la rend différente des autres dans le sens où elle devient responsable.

Les scènes en solitaire prennent alors un sens plus important. On touche ici à la confrontation des deux mondes, le moment où on ne peut plus fuir la réalité. Ce ventre devient l'enjeu de toutes les frustrations, de toutes les interrogations portant sur la dualité femme/matrice.

C'est cet état, imprévu, pas encore définit, sous jacent qui soustrait l'héroïne à son univers, qui la force à se remettre en question. Du coup le recul est permis et avec lui la narration. Le quotidien peut être une histoire, la vie reprendre ses droits.

Entre la présence factice d'un père ordonnateur d'un monde en perdition et la prise de conscience neurasthénique et lucide d'une mère fabriquée, le monde cours à sa perte, c'est certain.

On le voit, tout s'imbrique parfaitement dans cet album. Les auteurs, n'ont pas seulement brodé autour d'un concept, ils ont mis en place toute une structure (ce qui est logique vu le thème) qui sert le sujet par sa forme, l'autorisant à aller voir plus loin.
Cette persistance du sujet, sa volonté de s'infiltrer dans chaque recoin, cette mise en abîme perpétuelle est "sublimée" par le jeu "exil".
On comprend que le virtuel, devient à la fois le lieu de refuge de ces êtres mécanisés, et surtout que c'est le seul endroit où ils se sentent en vie.
En terme qualitatif, cette bd me semble l'une des paraboles les plus abouties dans ce domaine. Il serait vain d'essayer de contredire les constats affligeants qu'ils proposent tant tout cela semble logique.

Reste.

Reste que la science n'a pas nécessairement besoin de tous nos organes, qu'il est des parties inutiles. Or, ce qui fait défaut dans cet album (à mes yeux) c'est paradoxalement l'absence de vide.

Je ne remettrais pas en cause, le choix de "l'underground" comme milieu d'expérimentation. Malheureusement c'est cela qui ne m'atteint pas.

J'ai eu l'impression en refermant le livre, qu'un aspect n'avait pas été traité, ou trop peu, celui de la nouveauté. Bien entendu, nos "héros" font preuve d'opportunité. Cependant, leur comportement "social" reste à l'écart du reste. On nous les montre paumés dans un supermarché, cela fait mouche. Reste que je ne peux m'empêcher de ne pas y croire, de ne pas adhérer à tout cela.

Dans un premier temps, comment plaindre ces groupes ?
On l'a vu cela est impossible, ils sont indifférents, en marge, insouciant du monde et de ses turpitudes. Ce n'est pas cela que l'on cherche.
Du coup, le ton plaintif, m'a quelques peu agacé. Parfois, cela me semble tomber dans l'apitoiement. Sans faire dans le "feu follet" (décidément je n'aime pas drieu la rochelle moi), dans le geignard ou dans le pleurnichard; disons que la suffisance des personnalités ma assez vite distancé du propos.

Je trouve que ça manque de nihilisme, du fait que l'une des seules activités de pas mal de groupes ou d'individus de ce type, consiste à faire de l'élitisme à dénigrer tout ce qui "se vend" ou pire "est connu". Je sais bien que je généralise, et que cela va aussi dans le propos du bouquin.
C'est justement cette capacité à tout digérer qui me fait un peu peur.

J'avoue que sur ce plan, je ne sais pas où s'arrête la volonté des auteurs, si ce côté pédant est mis en avant, s'il est maîtrisé ?

La manière de réduire le "populaire" au karaoké ou à des vieux vicelard libidineux, ne m'a pas choqué pour un sou. C'est juste que venant de "petit con" qui n'ont pas le courage de se bougés, l'argument devient ambivalent et facile il me semble.

Du coup, je me suis penché sur la voix off. Qui est très bien écrites et construire avec le dessin. Ce qui là me choque c'est sa "maturité". Que ce travail sur soi, soit du à son état, aucun souci. Par contre la formulation me paraît trop expérimenté. La crédibilité du discours est très forte, j'ai tout de même du mal à y croire, à la croire.

Disons que de manière générale, je trouve que les propos dédouanent un peu trop les comportements irresponsables qui découlent de cette génération.
Loin de moi l'idée de trouver un garant de la morale. J'ai bien compris qu'il y avait une indifférence, que le morbide était au rendez vous. Or, pour moi, ils n'en ont pas conscience de cela, ils profitent de ce qu'on leur offre. Leur but étant juste de consommer autre chose que ce que la majorité consomme. Leur propos n'abouti jamais à rien de constructif (la réflexion sur la nature par exemple).

J'ai donc un problème avec ça. Il me semble avoir saisit l'idée générale, y adhérer de manière globale. Je trouve de plus ça formellement très réussi (vraiment le chassé croisé texte/image, la gestion du gris, les corps qui parfois sont en décalage, les gros plans…etc), mais j'ai du mal à me situer vis-à-vis du discours.

Bon ben voilà, je pense avoir fait un premier tour d'horizon.je ne suis pas entré dans les détails un peu exprès, d'une part pour épargner les lecteurs (ils peuvent encore servir) d'autres part pour proposer des pistes qu'il me semble plus judicieux d'explorer tranquillement sans "plan".

Et je me permets, d'en demander un peu plus sur la construction formelle (traitement de l'image, et surtout gestion du rythme et du lien voix off/image) et sur la façon dont à était mis en place le discours, (ses limites en gros). Il m'a manqué ce "vide", cette fracture même infime, cette imperfection qui fait que l'on sent le tout fragile.

En tout les cas, je conseille vivement cet album! Qui offre une lecture agréable, puisque pas évidente, du coup on en ressort d'autant plus satisfait. La construction est admirablement bien faîte. Il y a un style (que j'aime !) à la fois dans le dessin et dans l'écriture.

N'hésitez pas.

Bien à vous,
Monfreid...
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CITATION(Monfreid...)
Bon ben voilà, je pense avoir fait un premier tour d'horizon.je ne suis pas entré dans les détails un peu exprès


:priere: :priere: Monfreid :bravo:
Il nous remplit 5 écrans d'analyse super pointue de la BD, avec plein de trucs que j'avais même pas envisagé de commencer à voir et il n'a fait qu'un premier tour d'horizon... :shock:
Je le savais que cette BD t'inspirerait et qu'elle te donnerait matière à un beau post à la Monfreid, reste à savoir combien de personnes vont le lire en entier (moi je l'ai lu mais je pense que je vais devoir y revenir...).

Bon courage à Lionel Tran pour répondre à tout ça...

Je rebondis cependant sur la révélation de l'auteur : je suis très content d'apprendre que vous avez fait partie intégrante du milieu underground, je trouve que cela donne plus de poids à votre récit.
En effet, j'ai pu trouver caricaturale cette description proposée car je ne suis absolument pas impliqué dans ce type de milieux, je suis même tout ce qu'il y a de plus intégré socialement (femme, gosses, boulot, famille, heureusement, je ne vais pas jusqu'à regarder la télé réalité).
Grace à cette révélation, votre BD gagne un petit coté témoignage, certes secondaire mais intéressant. Je ne regrette donc vraiment pas les échanges qui ont eu lieu ici et je vous en remercie.

Et si j'ai bien compris, on interprète la grossesse de la narratrice comme bon nous semble, c'est finalement un moyen de redonner la main au lecteur en douceur (depuis Peter Pan, ça devient un habitude :wink: )
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Avant de lire le long post de Monfreid (coussin : ok, café : ok, lunettes : ok, aspirine : ok)

CITATION(lionel tran)
Je réponds également à d'autres remarques :  
CITATION
Rand a écrit:  
Donc j'ai une petite question qui va peut être complètement à coté de la plaque et qui va me faire honte jusqu'à la fin de mes jours mais je me lance quand même : Mui ne serait elle pas enceinte ?


Tu n'as pas à avoir honte. C'est plutôt une preuve de finesse d'avoir perçu ça : ce n'est pas amené de manière directe. Notre désir était de restituer le trouble de la narratrice, qui n'arrive pas à parler de ça ouvertement. C'est donc quelque chose qui se sent de manière très diffuse.


Il s'agit moins de honte que de timidité. En fait le fait que Mui soit enceinte m'a permis de mettre un sens au monologue. D'interpréter otaku non pas comme une simple vision distancié de la vie mais comme l'angoisse d'un des personnages.
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CITATION(Monfreid...)
j'avais dit aujourd'hui, je poste un "avis" aujourd'hui...

Merci tout d'abord pour cette longue première approche. Tu as très bien cerné les deux protagonistes, Ryu et Mui. Ton analyse est un beau morceau d'écriture, soigné, qui ne requière aucun ajout de ma part.

CITATION(Monfreid...)
Reste. (...)  Ce qui fait défaut dans cet album (à mes yeux) c'est paradoxalement l'absence de vide. Je ne remettrais pas en cause, le choix de "l'underground" comme milieu d'expérimentation. Malheureusement c'est cela qui ne m'atteint pas.

Comme je le disais au cours d'un des mes posts précédents, là tu nous pose une véritable question.
Les personnages attérissent chez des amis (certaines de ces personnes travaillent, une est étudiante) des gens qui gèrent la salle de concert où ils doivent se produire, ils pourraient être n'importe où, dans n'importe quel autre pays, quelle ville, dans n'importe quel autre milieu, cela ne changerait rien pour eux.
Dans une de des toutes premières versions du script, les protagonistes restaient stationnés durant tout l'album dans un hôtel de type Formule 1, où ils passaient le plus clair de leurs journées sur internet, chargeant sur leur site des autoportraits de Mui se photographiant dans les toilettes.
C'est Ivan Brun, qui à choisit d'entraîner Ryu et Mui, dans l'underground lyonnais, un milieu proche du nôtre. Le travail de bédéiste et surtout de peintre d'Ivan porte un regard très détaché et déconnecté sur ce qu'il montre. Il a souvent pris pour thème le tier monde, qu'il connait bien. Je t'invite à aller jeter un coup d'oeil sur ses toiles, antérieures pour la plupart à l'album et dont les similitudes thématiques sont nombreuses : http://www.diogene.ch/galerie/Brun/cadres.html
En amenant les protagonistes dans notre milieu et en restituant ce milieu de manière aussi neutre, Ivan nous a rapproché d'un des axes de départ du récit : apporter ici, le même regard que nous avions pu avoir lors de nos voyages en Asie.
Nous utilisons le milieu underground comme une toile de fond, sans valeur particulière du point de vue de la dramaturgie (il ne s'agissait ni de défendre ce milieu, ni d'en faire la satire, juste de l'utiliser.) Par contre cela à eut une incidence notable sur notre travail, puisqu'il s'agissait de traiter de manière détachée, froide, sans ironie, ni compassion, notre propre environnement, afin de porter, sans passion, le scalpel sur nous-même. Cela avait donc une vertu de mise en jeu, essentielle au projet.
Mais la question est de taille et je n'ai pas fini d'y répondre.

CITATION(Monfreid...)
J'ai eu l'impression en refermant le livre, qu'un aspect n'avait pas été traité, ou trop peu, celui de la nouveauté. (...) Je trouve que ça manque de nihilisme. (...) J'avoue que sur ce plan, je ne sais pas où s'arrête la volonté des auteurs, si ce côté pédant est mis en avant, s'il est maîtrisé ?.

Ce n'est pas un hasard si certaines parties dialoguées deviennent une bouillie d'information déconnectée de la conscience des personnages. Le rapport à la "nouveauté" est traité en arrière plan. Et c'est un des éléments extrêmement importants à la compréhension du récit. Un indice : le logo gamma. Cette chaîne de sens n'a pour l'instant été perçée par aucun lecteur

CITATION(Monfreid...)
Du coup, je me suis penché sur la voix off. Qui est très bien écrites et construire avec le dessin. Ce qui là me choque c'est sa "maturité". Que ce travail sur soi, soit du à son état, aucun souci. Par contre la formulation me paraît trop expérimenté. La crédibilité du discours est très forte, j'ai tout de même du mal à y croire, à la croire.

Le fait que le monologue de Mui soit lucide, mature et un peu geignard est volontaire. Elle a fait des études supérieures, son compagnon également, ils ont un peu plus d'une trentaine d'années, ce sont des gens intelligents, paumés, mais intelligents. Notre désir, à ce niveau là n'était pas de porter un jugement uniquement affligé sur cette génération. Pour nous il ne s'agit d'ailleurs pas de "cette" génération, mais de "notre" génération. Une génération qui a grandi avec la télévision et qui malgré le fait qu'elle sache parfaitement décortiquer ce dont elle s'alimente, a effectivement beaucoup de mal à porter l'ébauche d'un regard sur elle-même.
Otaku est un récit d'anticipation à court terme. Nous induisons donc l'idée qu'une prise de conscience est possible chez cette génération. Il est d'ailleurs fort possible que l'objet d'Otaku soit d'apporter une pierre à cette prise de conscience...
Otaku est un livre étrange, malade sur bien des plans, il est en train de toucher un public étrange, qui a des capacités d'analyse extrêmement pointues, mais qui tournent à blanc depuis des années.
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CITATION(Monfreid...)
Et je me permets, d'en demander un peu plus sur la construction formelle (traitement de l'image, et surtout gestion du rythme et du lien voix off/image) et sur la façon dont a été mis en place le discours, (ses limites en gros). Il m'a manqué ce "vide", cette fracture même infime, cette imperfection qui fait que l'on sent le tout fragile.


Je continue à répondre à ce long post.
Le processus de gestation de l’album a été long et compliqué. Il s’est étalé du début 2000 à la fin 2002, avec une période d’interruption de plusieurs mois, le gros du texte ayant été terminé en juin 2001. Il faut donc tenir compte que l’album a été écrit et dessiné alors que les socialistes étaient encore au pouvoir en France, que l’euro n’existait pas, et que ni les échauffourées autour du G8 de Gênes, ni le 11 septembre 2001 n’avait eut lieu.
Après que le désir de travailler ensemble sur un album ait été posé, j’ai procédé à une analyse du système d’idées et de représentations à l’œuvre dans le travail d’Ivan Brun, que je connais bien. J’ai scanné l’ensemble de sa production peinte afin de m’en imprégner, j’ai écrit un assez long papier intitulée « l’avènement du réalisme capitaliste », où j’expliquais que le travail d’Ivan consistait précisément à produire un effet ambivalent sur le spectateur en lui montrant des scènes choquantes/excitantes d’une manière ne lui permettant pas de se connecter affectivement. J’ai ensuite listé les thèmes/sujets et les références que nous pouvions avoir en commun, puis j’ai rédigé une scène d’essai, de 7 pages (inédites) où l’on découvre les deux protagonistes japonais dans un avion qui les mène en France. L’homme est taciturne, la fille plus curieuse. Il y a de la tension entre eux, ils sont méfiants vis-à-vis des étrangers. Ils arrivent, s’installent dans un Formule 1, se connectent. Le premier soir ils vont faire un tour en ville. Ce qu’ils voient les indiffère, les odeurs les incommodent. A partir de ce galop d’essai, nous avons analysé ce qui ne fonctionnait pas graphiquement et narrativement, puis j’ai rédigé un premier jet du script, presque complet, ou je déroulais le périple des deux protagonistes sur une semaine, pendant laquelle ils ne faisaient rien, ne voyaient rien, ne s’intéressaient à rien avant de repartir, comme s’ils n’étaient pas venus. A partir de ce script Ivan a dessiné le premier tiers de l’album sous forme de story-board. Il a changé de nombreux éléments, faisant débarquer les personnages dans un appartement collectif. La rencontre avec le groupe de japonais existait dans le premier jet du script, mais initialement Mui sympathisait avec une des femme de ménage du F-1, qui avait fait des études supérieures avant de ce retrouver dans ce boulot où elle était partagé entre rage et dépression. Ce personnage a évolué et est devenu en partie le personnage de Christelle, qui les accueille. Nous avions posé dès les 7 pages d’essai les thématiques du livre, les protagonistes, leur rapport au monde, la structure sur une semaine où il ne se passe rien. Et j’ai fait attention, en dépit des nombreuses manipulations sur l’histoire, à ne jamais perdre ce fil de vue. Dans le documentaire « Cinéastes de notre temps », qui lui est consacré, David Lynch dit «une fois que vous avez commencé, ne vous laissez pas entraîner dans d’autres directions, aussi tentantes qu’elles soient. » C’est un principe que j’ai toujours très rigoureusement appliqué, afin de réaliser des œuvres qui prennent des risques mais qui restent cohérentes.
Il s’en est suivie une longue période où plusieurs versions du script avec de nouvelles chaînes de sens (des séries d’éléments qui apparaissent au long des différents chapitres et qui sont reliés entre eux) se croisaient avec la suite, puis de nouvelles versions extrêmement détaillées du story board. Le tout entrecoupé de longs échanges écrits alimentés par la lectures de bouquins traitant des thématiques qui se croisaient dans Otaku. Les principaux ayant été : L’âge des extrêmes, histoire du court XXème siècle d’Eric J.Hobsbawm ( http://www.monde-diplomatique.fr/1999/09/H.../HOBSBAWM/12431), Vitesse virtuelle de Mark Dery (http://www.00h00.com/livre/index.cfm?GCOI=...=27454100979830 je mets également un lien sur ce papier intéressant et très critique sur Vitesse virtuelle qui pose assez bien ce que nous avons puisé dans le livre de Mark Dery http://www.kafkaiens.org/08kaf/vitesse8.htm ), le maintenant très connu No Logo de Naomi Klein (http://www.hcci.gouv.fr/lecture/note/nl111.html) , ainsi qu' Otaku les enfants du virtuel d’Etienne Barral, dont il a déjà été question (un lien a été donné au début de ce topic.) Il y a eut ainsi 5 versions du script, trois du story board (ce qui explique l’aspect hyper construit et contrôlé du livre au final.) Quelles différences entre ces versions ? A chacune d’entre elles nous avons changé des chaînes complètes de sens afin d’affiner le propos. Nous avons néamoins au cours de ces réorientations souvent conservé quelques éléments épars de ces chaînes de sens, afin de garder un côté accidentel (l'élément reste là, mais on ne peut plus le relier à une signification qui à un moment donné éclairait le récit. Ce sens ayant entre temps été effacé ou remplacé) Une très importante transformation a eut lieu à cette période, puisque pour remédier à des problèmes de rythme (l’album était trop lent, suite à des recherches de restitution d’un « temps réel »), j’ai remonté complètement un jet du story-board, ôtant 1 à 3 cases par page, comme je l’ai dit plus haut. Certains des éléments clés ne se sont arrêté que très tardivement, comme le fait que Mui soit enceinte (cela s’est substitué à un suicide des deux personnages dans leur baignoire, qui aurait été diffusé en boucle sur une structure de sites miroirs, le tout étant amené par l’achat récurrent de boites de somnifères tout au long de l’album), le thème et le nom du jeu vidéo (nous avons longtemps cherché ce que serait ce noyau allégorique, quelque chose en rapport avec la parabole de l’extraterrestre gris maigre aux pupilles hypertrophiés noires bridées a longtemps été envisagé), ou encore la forme que prendrait la performance réalisé par Ryu et Mui au Zero-One (la salle ne s'est pas toujours appellée ainsi, nous avons un moment tourné autour d'un nom évoquant la génération "X", qui orne toujours la porte d'entrée. Les salles changent de nom, parfois...)
Une fois la dernière version du script et du story-board réalisé l’album a été testé, puis j’ai procédé à un remontage du monologue pour plus de continuité (en gros les textes du monologue ont été en grande partie permutés entre les deux premiers et les deux derniers chapitres.) Le plus difficile a été, comme c’est d’habitude le cas, la mise en place du premier chapitre, où tous les éléments doivent être mis en place l’air de rien, où il s’agit de rester clair tout en étant extrêmement dense en terme d’informations (en l’occurrence il s’agissait là de poser qui étaient les protagonistes, ce qu’ils faisaient là, ce qu’ils vivaient, quelles étaient leurs perspectives…) Le tout dans un cadre ou, même si cela n’est pas fait de manière spectaculaire, les problèmes s’accumulent pour les protagonistes.
Ivan a ensuite commencé à réaliser les planches, qui lui laissaient extrêmement peu de liberté, puisque tout avait déjà été dessiné plusieurs fois, avant qu’il commence les crayonnés des planches définitives. Une fois les crayonnés terminés j’ai procédé à une réécriture de tamisage, afin d’unifier le ton, de peaufiner des détails. Le ton de la narratrice était plus soutenu à la base, je l’ai rendu plus sobre, plus mécanique, à la fois plus informatif, et plus geignard, plus petite fille, comme si elle récitait des choses qui la dépasse. Ivan est ensuite passé à la mise en niveaux de gris, à l’aquarelle. Le dessin ne lui avait laissé aucune liberté, la technique choisie a été par contre un terrain complètement expérimental, puisque d’habitude il travaille uniquement à la plume. Ce travail a duré plusieurs mois, il a appliqué une vingtaine de couches de gris différents par page, travaillant plusieurs pages simultanément. A partir de ce stade là il était impossible de toucher à quoi que ce soit, ni dans le texte, ni dans l’image (cette technique n’autorise pas de repentir.) si vous voyez un jour les planches exposées, vous découvrirez qu'elles sont d'une propreté glaciale et impressionnante.
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On peut lancer un sondage pour savoir qui de Monfreid ou de Lionel Tran à taper le plus de caractères sur ce topic laugh.gif

Plus sérieusement, je me permets d'intervenir pour faire un peu le rabat joie. Je suis arrivé sur ce topic suite "aux achats de novembre" ou était évoqué avec abondance les bienfaits de cet ouvrage. Or pour avoir parcouru un peu, mais pas trop,( je voudrais me faire mon avis(, ce topic, je me suis demandé s'il n'était pas regrettable d'analyser de manière aussi poussée une oeuvre, de la disséquer.
Est ce qu'on ne risque pas d'en enlever sa saveur brute, celle qui nous étreint après une douce lecture, au moment où on finit le livre et que l'on se dit : "Waow!" et on se laisse porter par le récit, l'ambiance, quelques instants encore.
Enfin, je dis ça, je dis rien 8) ...
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CITATION(poupoule)
ce topic, je me suis demandé s'il n'était pas regrettable d'analyser de manière aussi poussée une oeuvre, de la disséquer.
Est ce qu'on ne risque pas d'en enlever sa saveur brute, celle qui nous étreint après une douce lecture, au moment où on finit le livre et que l'on se dit : "Waow!" et on se laisse porter par le récit, l'ambiance, quelques instants encore.
Enfin, je dis ça, je dis rien 8) ...


je te comprends :wink:

mais juste trois choses :

-la disséction dont tu parles fait partie du livre en question (scalpel) :wink:

-sachant que cela se fait "parès coup", je pense que c'est à toi de choisir de lire ou non...mais de toute façon après coup, après la lecture.

-et si tu gardes le même avis après lecture c'est à dire si tu as une autre vision de l'album...tu pourras nous en faire profiter biggrin.gif

à te lire,
bien à toi,
Monfreid...
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CITATION(poupoule)
je me suis demandé s'il n'était pas regrettable d'analyser de manière aussi poussée une oeuvre, de la disséquer.
Est ce qu'on ne risque pas d'en enlever sa saveur brute, celle qui nous étreint après une douce lecture, au moment où on finit le livre et que l'on se dit : "Waow!" et on se laisse porter par le récit, l'ambiance, quelques instants encore.

Je pense que la lecture que chacun se fera sera sa lecture, à partir de sa sensibilité et de son vécu. Plus haut je disais qu'il ne fallait pas partir dans le livre avec l'intention de tout décortiquer du début à la fin, car ce serait indigeste. Le lire en ayant en plus les analyses d'autrui en tête (qui sont de l'ordre de la subjectivité) serait plus difficile encore, je pense que là, effectivement on aurait du mal à se connecter. Après, je pense qu'on peut lire ce qui est posté ici, se faire quand même un avis et vivre soi-même son expérience avec le livre. C'est comme pour un film : certains veulent y aller vierges, d'autres préfères se renseigner. Le fonctionnement est assez impulsif à cet égard. Tu peux, comme le suggère Monfreid, sauter les gros morceaux du forum et revenir dessus après. Pour ma part, je ne vous dis pas quoi penser du livre, ni comment le prendre, j'apporte juste un éclairage, au néon, sur la manière dont nous avons travaillé.
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CITATION(Invité)
Le rapport à la "nouveauté" est traité en arrière plan. Et c'est un des éléments extrêmement importants à la compréhension du récit. Un indice : le logo gamma. Cette chaîne de sens n'a pour l'instant été perçée par aucun lecteur

Fort de cet indice, je me suis replongé dans la lecture hier. J'ai bien vu ce logo récurrent que je n'avais pas noté auparavant, souvent associé au jeu exil me semble t'il, avec une image, récurente elle aussi, de personage volant dans une espèce de vaisseau spatial. Cependant, à mon grand dam, je ne suis pas parvenu à dégager la substantifique moelle de ce symbole. Mais peut-être qu'il me manque des références particulières : ce logo serait-il emprunté ou inspiré par un logo déjà existant ?
Cette BD devient de plus en plus un jeu de piste pour moi (d'autant que sur bien des domaines abordés, je suis complètement inculte).
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Je viens de terminer la lecture de la bd et j'allais justement demander qu'elle était la signification de cette image récurente et de ce qui était pour moi un logo de marque...
En effet, la première fois, je me suis dit comme M_Spock qu'il s'agissait de 2 personnes dans un vaisseau spatial de forme circulaire. Et comme, Mui parle de films à ce moment là, ça m'a fait penser à L'odyssé de l'espace de Kubrick...
Mais quand j'ai vu que cette image réapparaissait par la suite (3 fois en tout il me semble), j'ai mieux regarder et je me demande si ça ne ressemble pas plus à des gens qui tombent dans le vide au milieu d'immeubles dans une cité futuriste, avec ce qui pourrait être des voitures volantes dans le fond... et, du coup, ça m'a fait penser bêtement au cinquième élément... (désolé pour ce délire)

Au sujet du sigle gamma, il apparaît lié à cette image (page 86) mais il apparait également sur une affiche qui pourraît représenter une météorite ou un truc comme ça dans l'espace (mais aussi une chips photographiée sur fond noir...) Les 2 affiches se répétant le long de la rue...
Sinon, le gamma peut représenter l'amour ou le sexe de la femme au niveau symbolique mais je ne sais pas si je suis dans la bonne direction...
C'est aussi le nom d'un système à multiprogrammation en informatique...
Il a aussi une signification en astronomie...
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CITATION(M_Spock)
Cette BD devient de plus en plus un jeu de piste pour moi (d'autant que sur bien des domaines abordés, je suis complètement inculte).


Pas un jeu de piste, non (je n'aime pas trop l'idée de livres ou de films à indices), pas de références non plus (j'ai été très surpris que des lecteurs du site Bédéka voient les références à des auteurs japonais, elles n'étaient pas faites pour être percés, c'était personnel.) Simplement il se passe pas mal de choses en arrière plan dans Otaku et ces choses font partie de l'histoire, en l'occurence ici, nous sommes en présence d'une campagne marketing à grande échelle et à volets multiples. Ouvrez les yeux comme vous le faites dans la rue, devant des affiches...
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