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Le droit d'azur


Monfreid...
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Le droit d'Azur (troisième tome d'une trilogie)
De Lax
aux éditions Paquet




Résumé : Le narrateur fuit après son meurtre d'une femme. Il part en Inde, au coeur de l'hymalaya, en quête de rédemption...

Avis : Ni policier, ni récit d'aventure, ni tout à fait picaresque, ni bande dessinée, ni chronique de voyage, ni albums souvenirs, ni carnet secret, pas plus enluminure égoïste qu'illustration gratuite. Le troisième et dernier tome de cette série est aussi insaisissable que son auteur, à moins que ce ne soit juste un album remarquable ?

Si, pour changer, on parlait musique ?
Si, on s'accordait quelques instants pour nous poser tranquillement, pour caler le chat sur nos genoux exsangues à force de courir après le temps. Stoppons le flux discontinu des voitures et autres engins motorisés sous nos fenêtres, laissons nous bercer par notre rythme intérieur. Oublions le balancement sinistre du cœur, pour aller nous loger un peu plus loin, un peu plus profondément en nous même. Là où tout est musique, si simplement, si pleinement musique.
Je ne parle pas mysticisme mais bien musique. La musique est avant tout une question d'écoute.

Hendrix c'est du bruit, que nenni, hendrix c'est de la sculpture sonore, au même tire que Coltrane (merci JC pour mon éducation musicale), ce n'est pas de la mélodie, c'est du taillage de pierre. Pour le comprendre, ou plutôt le ressentir, il faut cesser d'essayer d'y entendre quelque chose, pour laisser la musique faire son office.

La musique Hindoue est une musique ternaire, quoi de plus inconcevable pour nos oreilles en formes de métronome. Pourtant, la magie fait que le culte, l'art du silence, ce polissage de l'âme, ce respect de l'instant, que l'on retrouve chez Mozart ou Miles Davis, n'est pas absent des compositions de l'Inde.

Lax (oui, au bout d'un moment je parle de l'album quand même), saisit cela! Saisit cet instant unique entre tous, de la confrontation entre les blocs montagneux, ces inaltérables illusions, ces figures en puissance et les plaines féconde qui borde leur flanc.
L'ailleurs, n'est pas le dépaysement, l'ailleurs c'est le retour en soi, à soi!
Le retour à la masse informelle de notre passé perdu, à la matrice fertile de notre vie. Le creuset improbable où se même nos doutes, nos espoirs, où tout se dissout, tel est l'ailleurs.

Le héros est en quête de rédemption! La vie le quitte, seul le souvenir d'un corps de femme, présence fantomatique hante encore ses nuits et ses jours d'errances. Il lui faut fuir, fuir pour ne plus avoir à se cacher. Le refuge est incertain, notoirement connu, forcément incertain, propice aux réminiscences aux ratiocinations de l'âme.
On quitte alors les vallées et les collines des courbes d'une femme, pour s'aventurer au creux des cimes du monde. La douceur devient rugueuse. Chose intelligente et intéressante, l'auteur ne nous fait pas le coupler sur la culpabilité, le narrateur assume pleinement sa position et son crime. La fuite en avant, n'est pas négligence de la posture morale.

Quel panache, que fougue, alors que l'on nage en plein "après meurtre" que cela nous mène dans une quête mystique, Lax ne met pas en berne son ton si singulier. Il faut oser un tel mélange des genres (le bloc mystique face à la verve mélodique!), saluant là ce tour de force que de rendre le tout parfaitement naturel.

La parole est sujette à de constant changement, elle ne peut s'empêcher de revenir constamment sur elle-même, de se mettre en question. Si le début de l'album nous fait immédiatement penser au journal d'un routard blasé de la vie. Très vite ce ton "européen" cède la place à l'étonnement devant le sourire et la franchise des gens qu'il croise. La parole est le lieu du changement, c'est par son biais que l'on accède aux transformations intérieur du narrateur (toujours, le lecteur devra prendre garde à ne point trop mélanger le narrateur et l'auteur).
Bouleversements anagogiques du quotidien, l'état d'esprit complexe de deux premières pages, fait place à la description d'une rue composite, le sentiment reprend ensuite une place d'honneur, avant que tout ne s'efface en présence de la tranquille simplicité (j'allais dire la bonhomie) des montagnes immuable. Le point de vue est tout d'abord tourné vers le narrateur et ses préoccupations, petit à petit , il prend conscience de son corps, de sa petite taille, son regard peut enfin se tourner vers l'extérieur nous parler des endroits, des voyages en quelques mots, pour enfin revenir à lui en embrassant le monde.

La dernière étape de ce processus (de rédemption, mais pas seulement ) ne se fait pas tout seul, une femme en est le principal "instrument", asile des courbes au sein des arêtes des pics, elle est femme avant tout, incarnation rêvée d'une altérité que l'on espérait plus. A cet instant Lax, fait preuve de tout son talent, tel Alexandra David-Neels, il sait nous faire part de sentiments complexes et forts, tout en restant pudiques. Il y a dans ces quelques lignes, un torrent de vie et de lucidité narrative (la preuve le lecteur, ne se rend pas compte que sa lecture est devenu en cheminement au fil des pages).

En plus de cette marche, qui de l'expiation se tourne vers l'illumination, littéraire les dessins de l'auteur viennent embellir le tout.
Leur seule présence en marge du texte, montre qu'il n'en sont pas l'illustration, du moins pas uniquement, ils sont aussi la marque d'un passage, la trace, la preuve du passage de l'auteur. Au-delà de leur pure beauté plastique (là, il suffit d'ouvrir l'album pour être saisit d'émotion, ne serait ce que sur la gestion des couleurs qui est tout bonnement époustouflante!), ils sont un témoignage.

On ne parle pas ici de témoignage au sens médiatique, dans lequel le fait divers à remplacer l'information, mais bel et bien de ce témoignage qui nécessite le sacrifice d'une vie : celle d'une vieille femme et sans doute d'un village. La pudeur (et le talent) fait s'arrêter notre regard sur les pots et les ustensiles brisés, allégorie guidée par la pudeur.
On délivrant ses dessins, ses moments de vie des autres, en ne cherchant pas à en rendre un sens précis, à les lier à des souvenirs précis, Lax n'est déjà plus dans la "démarche" il est dans le partage, dans le don.

Le récit peut être assimilé par le lecteur à une démonstration, le fait de quitter le romanesque pour s'aventurer dans les eaux troubles du récit, ne suffisant parfois pas à faire s'éveiller les consciences. De fait, la contemplation induite par les dessins, sonne comme tout autrement, on ne peut en ignorer la portée intime.

Alors, que ce soit dans les évolutions (je devrais dire "involution positive") et les modulations de la parole, ou dans les nuances des couleurs, on se doit de parler de musicalité, tout bonnement parce que cet ouvrage entre en résonance avec l'âme.
Ce n'est pas fait pour dépayser, pour divertir, pour "faire beau", pour prouver quelque chose…
C'est fait par plaisir et avec talent, et donne envie d'aller voir ailleurs pour voir si des fois on ne s'y retrouverait pas! Ce "doigt d'azur" est la promesse d'un ciel clément…

Un grand merci à M Lax, de parler avec tant de justesse et si peu de mot, de tout cela.

Indispensable pour les amateurs de voyages en tout genre.

Bien à vous,
Monfreid...
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A la fin de la chronique, je me suis dis que ça faisait pas mal d'avis super positifs de ma part en ce moment!

alors, je ne reviens pas sur mon crénau qui consiste à essayer de faire découvrir des albums de manière positive, ce qui suppose que les albums met vraiment plus...

la rentrée 2005 est vraiment prolixe en matière de bon album...je précise aussi que mon anniversaire récent m'a permis de me faire quelques cadeaux...(ceci expliquant cela :wink: ).

pour en revenir à cet album, magnifique!
je précise qu'il m'a énormément touché! en tant qu'amateur de dessin et de littérature...il s'agit bien plus que d'un simple recueil de croquis, ou d'une nouvelle vite écrite et mise en dessin.
Après le choc de la lecture, j'ai écris immédiatement d'un trait (j'ai raccourci quand même pour cette version) la chronique en écoutant une chanson en boucle. (y'a pas Platon en musique encore :roll: )

je vous en laisse les paroles, qui expriment beaucoup mieux que moi la beauté de ce texte.

Chevelures des fenêtres fermées des chambres d'Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelures des rideaux déchirés, des néons tristes
Et plus rien d'autre pour te prouver que tu existes
Non plus rien d'autre pour te prouver que tu existes
Non plus rien d'autre pour te prouver que tu existes


Chevelures des fenêtres fermées des chambres d'Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuits
Draps mouillés de tous les cris des odeurs du temps qui fuit.


Chambres d'Asie retournes-y], la nuit le jour
Murs moisis peau de velours


Chevelures des fenêtres fermées des chambres d'Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuits
Draps mouillés de tous les cris des odeurs du temps qui fuit.


Chevelure des rideaux tirés des fenêtres closes
Reflet dans les murs, des corps qui reposent
Bruit des clés des verrous des barreaux des portes de fer
Et couloir allumé le jour et la nuit comme en en enfer.


Comme en enfer, mais comment faire, retournes-y quand même
Murs moisis, ou l'on te dit qu'on t'aime.


Chevelures des fenêtres fermées des chambres d'Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Souvenir inutile et triste des longues nuits
Et mordre dans les draps des chambres d'Asie
Comme on mord dans un fruit.


Chambres d'Asie, retournes-y, un jour ou l'autre,
Emmènes-y la peau d'un autre.

G.Manset
bien à vous,
Monfreid...
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Je ne crois pas que tu le dises quelque part mais le coffret regroupe les albums Red movie, Ma cavale au Canada et Le droit d'azur apparemment.
Au début, je croyais que c'était Le droit d'azur T1, T2 et T3 en fait ... :oops:

Il s'agit d'histoires qui n'ont aucun rapport entre elles? On retrouve les mêmes personnages?
Je crois que j'aurai du mal à trouver les deux premières bd en librairie... Du coup, si les histoires sont séparées, je pourrais feuilleté le début du droit d'azur pour me faire une idée sans dévoiler certaines choses sur le début de la trilogie...

Je mets un raccourci vers bdnet pour pouvoir se faire une idée sur les planches car ce n'est pas une bd "classique".

Et puis, comme j'ai pas situé tout de suite qui était cet auteur, je me permets de préciser que Lax a quand-même fait pas mal de bd comme Les oubliés d'Annam, Azrayen, Le choucas entre autres.

Sinon, je compte à peu près 3,30 euros en plus pour le coffret en fait...??
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alors la série est un road movie, en gros mélant une nouvelle et des dessins.

les trois tomes se suivent mais je pense qu'ils peuvent se lire pour ce qu'ils sont séparement :wink:

effectivement c'est un "récit mis en image" pas une bd au sens propre, mais pas non plus de l'illustration :wink:

le choucas, je ne connais pas trop
Azrayen est génial 8)

bien à toi,
Monfreid...
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