Titre : Julien Boisvert
Série en 4 tomes : 1. Neêkibo (1989, 2 couvertures différentes), 2. Grisnoir ( (1991), 3. Jikuri ( (1992), 4. Charles ( (1995), 4'. Charles TT (1995)
Intégrale parue en 1995
Scénariste : Dieter et Michel Plessix
Dessinateur : Michel Plessix
Coloriste : Isabelle Rabarot
Genre : Aventure
Edition : Delcourt Collection : Conquistador
Festival d'Angoulême 1996 : Gagnant du prix oecuménique.
Autre bd de Plessix : Le vent dans les saules
Autres bd de Dieter sur 1001bd : Anges, La vie en rose
Autres bd de Rabarot sur 1001bd : Aquablue
Quatrième de couverture : De l'Afrique à l'Amérique, de Guernesey au Mexique, Julien Boisvert parcourt le globe en tous sens. Plus qu'une simple aventure, chacune de ces étapes constitue pour lui une expérience émotionnelle qui le marque profondément et, souvent, douloureusement. Au fil des voyages, le grand adolescent naïf deviendra un homme mûri et aguerri... En explorant le monde, Julien Boisvert finira par se découvrir lui-même.
Avis :
Présentation :
Julien Boisvert est un jeune homme d’une vingtaine d’années. Il a grandi dans un milieu aisé où tout était simple et sans surprise. Il occupe un emploi de bureau au sein d’une organisation internationale de défense des cultures. Seule ombre au tableau, mais non des moindres, il n’a pas été élevé par ses parents : son père s’est enfuit avant sa naissance et sa mère l’a placé chez des nourrices et autres précepteurs. Un jour, sa mère décide de venir passer quelques semaines chez lui. L’intrusion dans l’intimité de Julien de cette femme qui a toujours été distante avec son fils lui semble insupportable. La vie de ce jeune homme, jusqu’alors semblable à un long fleuve tranquille, va tout à coup basculer sous la forme d’un furieux besoin de fuir. Le lendemain, à la première heure, il négocie avec son supérieur son départ immédiat pour l’Afrique. Toute sa vie va être déterminée par cette décision… C’est le début de son apprentissage, il ne pourra pas revenir en arrière… Rien ne sera plus jamais comme avant !
Tome 1
Après sa fuite, Julien découvre l’amour en même temps que la réalité du colonialisme et sa propre impuissance à lutter contre ces injustices. Julien ressortira profondément marqué par cette expérience.
Tome 2
Peu de temps après, Julien décide de se retirer sur une île pour prendre du recul et faire le point. Difficile cependant de prendre du recul quand on est mêlé à une enquête sur la disparition d’un petit garçon ! Pour retrouver l’enfant, Julien devra replonger dans sa propre enfance.
Tome 3
Plusieurs années se sont écoulées. Julien a de nouveau trouvé l’amour et est en quête de spiritualité. Il vit au Mexique où il tient un bar. Il se retrouve mêlé à une histoire de meurtres en série en même temps qu’il s’emmêle dans deux histoires d’amour. On découvre également un détail important (en même temps que Julien ??) de ce qui s’est passé entre le tome 2 et le tome 3. Julien semble enfin se stabiliser affectivement même s’il reste fragile au fond de lui.
Tome 4
Julien est raciste !!!??? …L’album commence par un flash-back déconcertant… Finalement, on retrouve Julien quelques semaines ou quelques mois après la fin du tome précédent, sans grands changements dans sa vie. En écho au premier tome où sa mère venait chambouler sa petite vie tranquille, c’est au tour du père de Julien de faire irruption dans sa vie enfin redevenue stable. C’est l’occasion d’un nouveau voyage pour Julien mais à contrecœur cette fois-ci car c’est un voyage vers son passé qu’il entreprend. Julien découvre alors l’horreur du fascisme, ses règles, ses mécanismes et ses petites gens. A 30-35 ans, il découvre aussi un homme, ses propres origines et une famille, voire deux…
Mon opinion :
Cette bande dessinée est l’une des plus profondes et les plus justement racontées qu’il m’ait été donné de lire. Les auteurs prennent le pari, plutôt casse-gueule à mon avis, de nous conter l’apprentissage de la vie d’un jeune homme en nous faisant partager ses aventures.
L’une des constantes de la série est le commencement de chaque tome dans un contexte auquel on ne s’attend pas, toujours différent de celui dans lequel on a quitté l’histoire, ce qui a pour conséquence de dérouter le lecteur. Les auteurs nous entraînent d’ailleurs souvent sur de fausses pistes (fou dans un asile, fasciste), nous obligeant à renforcer notre attention et accroissant le suspens.
En voyant le héros blondinet qui nous est présenté accompagné de son chien, on ne peut s’empêcher de penser à une autre bd au combien cultissime : « Tintin et Milou » (certains parallèles et certaines allusions amènent d’ailleurs à penser que cette similitude apparente n’est pas fortuite…). Cependant, de nombreux aspects distinguent ces deux bandes dessinées.
Le personnage principal, Julien, n’est pas un héros comme on a l’habitude de les imaginer. Son humanité, sa complexité, en font un homme comme on en rencontre tous les jours (même devant le miroir de la salle de bain. Si, si, regardez bien demain matin…). A la fois lâche et courageux, infidèle et amoureux, il peut se montrer menteur, râleur et colérique, et se retrouve parfois dans des situations ridicules (on découvre ainsi un héros qui a la curieuse habitude de se recouvrir le haut du corps de tomates écrasées (T2 p.32 et T3 p.9) et dont l’amour des femmes peut l’amener à se retrouver en caleçon dans la rue). Bref, c’est un héros impuissant à sauver le monde (protéger la tribu, sauver l’enfant de la chute).
Si l’on suit le parallèle entre la bande dessinée d’Hergé et celle-ci, on en vient ensuite à comparer le chien de Julien et Milou. Dire qu’ils sont différents serait un euphémisme. Il s’appelle Gilbert tout d’abord. C’est le nom d’un homme, pourtant, à l’inverse de Milou, il ne parle pas ou ne pense pas à voix haute. Par contre, certains aspects de sa personnalité font étrangement penser à certains défauts des hommes : il est fainéant (rarement en phase de mobilité : Julien : « J’ai dû engager un limier pour trouver une autre piste » - la vieille dame : « Cette chose là ? Tiens, je la croyais empaillée ?!! - (Gilbert baille en s’étirant) - « Mais…C’est pourtant vrai qu’il est vivant ?!! »), a un petit faible pour la destruction (vêtements, avion en papier), obéit somme toute relativement pas, est gourmand, n’hésite pas à uriner où bon lui semble (T2 p32), est sujet aux pulsions hormonales (T4 p14 et 15 : feuilleton irrésistible ! et la scène mythique T4 p44 bien sûr !) et n’hésite pas à draguer la donzelle (T4 p37) ! Bref, Gilbert, même s’il n’a pas un rôle crucial pour l’action, apporte beaucoup d’humour à cette histoire pas toujours drôle (très mignon en couche-culotte !) et sait même être attendrissant (T3 p5 : trop craquant !).
L’un des types de personnage important de cette bande dessinée et quasi-inexistant dans Tintin et Milou est la femme. Julien rencontre plusieurs femmes au cours de ses aventures. D’une manière générale, je dirai qu’elles ont trois points communs : elles sont belles, elles sont peu farouches au premier abord et se révèlent avoir énormément de caractère au deuxième ; ). Les femmes ont ici un rôle prépondérant dans l’histoire. Contrairement à Tintin, Julien a des sentiments amoureux et une sexualité.
Un autre type de personnage apparaît ici contrairement à la bande dessinée d’Hergé : la famille. Encore des personnages qui ont une importance cruciale dans l’histoire. La mère de Julien provoque la première aventure, c’est elle qui déclenche tout. Son père, lui, permet de refermer cette histoire : la boucle est bouclée, Julien semble avoir chassé ses démons.
D’autres membres de la famille sont également présents comme le grand-père de Julien, ses amis qui sont un peu comme sa deuxième famille et puis deux autres personnes dont je ne parlerai pas ici pour ne pas tout dévoiler…
Un dernier élément de comparaison pour terminer : le temps. Là où Tintin ne prend pas une ride entre le premier et le dernier épisode de ses aventures, Julien Boisvert mûrit, son visage change. Et parallèlement, le dessin lui aussi s’affirme au fur et à mesure du récit.
Mais « Julien Boisvert », c’est aussi une bande dessinée "engagée" qui dénonce tour à tour le colonialisme, le racisme, le fascisme, le libéralisme économique et le comportement des multinationales vis-à-vis du tiers-monde, ainsi que la passivité active des pays industrialisés et des organisations internationales vis-à-vis de ce dernier.
Une bande dessinée forte et complexe comme la vie, avec un ton parfois dur, souvent humoristique, mais qui sonne toujours juste.