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D.R.H


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D.R.H
De Jonquet et Chauzy
aux éditions Casterman





Résumé :
En soirée, quelque part dans une gare de province. Une galerie de personnages hétéroclites, compagnons de voyage et de hasard l'espace de quelques heures, attendent ensemble le train pour Paris : un délinquant tout juste sorti de prison et sa compagne prostituée, deux cadres spécialisés dans les ressources humaines et engagés dans une opération de "dégraissage" d'effectifs, quatre copains partis assister au mariage d'un ami. Le train est en retard, l'impatience s'installe. Et elle ne fait que s'accentuer lorsque les voyageurs montent enfin dans la rame: la climatisation est en panne.


Avis : Un superbe album, qui offre la vision terrifiante de lucidité d'un drame quotidien, sur fond social sans jamais tomber dans le cynisme mais sans toutefois épargner le lecteur.



Avec les auteurs que l'on apprécie il y a toujours là joie de les retrouver qui se mêle à la peur de voir le filon s'épuiser, de voir nos émotions s'épuiser…la lecture consiste à mesurer l'étendue de nos sentiments. Et plus avant la lecture des collaborations de ces auteurs consiste à résistance à la lucidité..;tout un programme en perspective.

Alors l'album est l'adaptation d'une nouvelle de Jonquet. Adaptation fidèle dans les moindres détails (musique, fringues des persos etc), mais surtout fidèle dans son horreur. Le récit est presque inconvenant de par sa densité, à lire ce récit on se dit qu'il n'est pas besoin de voyager ou de connaître des expériences traumatisantes pour voir la cruauté de l'homme. Et au final on se dit qu'énoncer que "l'homme est un loup pour l'homme" c'est insulter le loup!

Jonquet est l'un des ces auteurs de polars que beaucoup aiment à ranger sous l'étiquette "engagé", comme ça hop c'est facile on a plus qu'a fermer l'emballage et à retourner le paquet à l'envoyeur sans même à en contempler le contenu. Tout n'est heureusement pas aussi simple, l'auteur n'est pas là pour faire le constat de la fleur sociale qui se referme sur les pauvres délaissés…jamais son propos ne tombe dans la démonstration ou dans le moralisme deux balles. Jamais il n'y a vraiment de gentil ou de méchant! En cela il s'empare du courant "comportementaliste" des années 70, ce qui domine l'homme c'est avant tout ses actions, l'homme est ici un animal de l'instant. Le récit s'échafaude autour de l'adaptation de chacun à l'instant, les castes les hiérarchie le rôle de chacun est déterminer en fonction de cet axe. Mais déterminer ne signifie pas ici jouer d'avance, puisque l'adaptation se rejoue à chaque instant. En d'autres termes (parce que j'en vois qui baille dans le fond.) Jonquet ne fait pas une caricature sociale, il établit un constat, ce constat pose à la fois la misère sociale qui elle est inéluctable, mais en même temps elle prouve que rien dans cette misère ne nous autorise à en prévoir les issues dramatiques à l'avance. De manière concrète, nous avons des directeurs de la ressource humaines, que l'on imagine aisés et influente, totalement en dehors du monde et leur faisant face des "pauvres gens". Bien entendu ce qui va mener au conflit c'est le sexe, mais ce qui est intéressant de remarquer c'est que certes les dhr observent avec tout le cynisme et la cruauté que cela comporte, mais surtout que ceux qui se battent, ceux qui s'auto détruisent ce sont "les pauvres".

Le monde est tel que les pauvres se battent entre eux, qu'ils ont perdus toutes leur illusions. Le "comportementalisme" de Jonquet se greffe sur un tissu social des plus justes et des plus lucides. A partir de cela il construit un scénario des plus durs et des plus subtils qui soit. La seule présence musicale (balavoine) montre bien l'aspect "fond sonore" des nos vies contemporaines, ou comment les référents commun peuvent changer de sens en fonction de qui se les appropries.

Du coup on se retrouve avec une bd atypique entre les mains. La noirceur fait indubitablement penser à celle d'un polar sombre et glauque, mais tout repose ici sur la montée en puissance du drame à venir. Forcément une situation de malaise s'installe pour nous puisque nous observons comme le font les dhr, de ce fait cela est assez malsain et inconfortable. On pourrait dire qu'il y a un prix à la lucidité. Sur ce point précis Chauzy est très fort, son choix de couleurs crues et choquante donne des images non lisses ou trop facilement assimilable, il se dégage une atmosphère sinistre, lugubre mais aussi nauséeuse…du coup on ne tombe pas dans le voyeurisme basique.

On comprend l'importance du traitement du dessinateur, des couleurs comme celle de la vigie aurait été trop directe, trop connue pour le lecteur. Ici il donne un aspect délavé du monde, comme si la société essayé de masqué son vieillissement sous des couches des peinture en totale inadéquation les unes par rapport aux autres. L'ambiance est primordiale dans ce récit est Chauzy la rend parfaitement dans toute sa morbidité. Cet album n'est donc pas "évident" non parce que sa lecture est difficile, mais parce qu'il prend vraiment le lecteur aux tripes.
Le dessinateur explore lui aussi les limites du genre, il reconsidère ses premières visions de la misère humaine (en noir et blanc) pour "oser" la couleur. Une couleur qui ne doit pas charmer, mais dérouter le lecteur. En cela l'histoire acquiert une densité incroyable, on perçoit que des choix (la couleur des cheveux de l'héroïne) sont les stigmates indélébiles de nos conditions sociales, qu'il n'est plus possible de faire demi-tour, mais en même temps les couleurs "bavent" or de leur carcan rendant le monde trouble et comme salit. Ce qui est dotant plus choquant puisque ces couleurs prennent corps autour d'un trait affiné tendant à un réalisme assez cru. Et puis tout ces éléments prennent vie dans le contraste qui existe entre un monde figé et les réactions humaines qui s'y trouvent exacerbés, le "ton" Chazy prend sa mesure dans la gestuelle des personnages dans leur expressions, toujours un peu exagérés un peu trop accentués, trop forte. Du coup on perçoit la furieuse détresse des personnages, on comprend que tout ce qu'ils dont c'est se débattre au cœur d'un monde qui ne leur appartient déjà plus…et que pour vivre il faut sans cesse bouger.

Il s'agit là d'un superbe album, très dense, très dur qui me semble réservé aux amateurs du genre (le polar noir/social), qui offre une lecture passionnante et sans concession; ainsi qu'une expérience de choix.

Il faut aussi noter une touche de mélancolie, d'un paradis urbain perdu remplacer un opportunisme des plus encombrants dans la nature humaine.

A lire absolument.

autres albums de Chauzy et Jonquet la vie de ma mère, La vie de ma mère tome 2
et de Chauzy seul :L'âge ingrat
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