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Affaire Vilebrequin


VladNirky
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Dans le litige opposant les auteurs Erwan Lucas (dit Obion) et Arnaud Le Gouefflec aux éditions Casterman à propos de l’édition et de l’exploitation de l’album Vilebrequin (édité sous label KSTR. Voir les articles du 19 juillet, du 27 juin et du 14 juin 2007 publiés sur notre site), le Tribunal de Grande Instance de Rennes, statuant en référé et à la demande des auteurs, a rendu sa décision le jeudi 13 septembre dernier. Nous publions ci-dessous de larges extraits de ce jugement.



Rappelons que les auteurs, soutenus par le SNAC-Groupement des Auteurs de Bande Dessinée, réclamaient des dommages et intérêts et le retrait immédiat de la vente de la première édition de l’ouvrage, considérée par eux comme constituant une atteinte à leur droit moral. Rappelons également que plusieurs tentatives de négociation avaient préalablement été menées par le SNAC auprès de l’éditeur et ce, sans succès.



De leur côté, les éditions Casterman contestaient la compétence du TGI de Rennes et réclamaient son renvoi devant la justice Belge. Casterman réclamait également aux auteurs 1 euro de dommages et intérêts pour « procédure téméraire et vexatoire » et la somme de 5000 euros pour remboursement de ses frais de justice.



Dans son verdict, le tribunal s’est tout d’abord déclaré compétent à juger cette affaire, donnant ainsi raison aux auteurs.



Par la suite, prenant acte des différentes actions finalement engagées par Casterman pour retirer l’édition litigieuse de la vente (destruction de 6769 exemplaires, courrier adressé aux libraires le 17 juillet 2007, nouvelle impression conforme aux souhaits des auteurs, communiqué sur le blog de KSTR), le tribunal a déclaré que :



« (...) il y a lieu de constater que la société Editions Casterman a pris les mesures nécessaires pour arrêter la diffusion de l’album par les libraires et empêcher que d’autres exemplaires ne soient mis sur le marché. Les demandeurs sont donc déboutés de leurs demandes principales, devenues sans intérêt, étant précisé qu’il ne peut être imposé d’autres mesures en ce qui concerne les ouvrages en librairie ».



N’en demeure pas moins que la décision du tribunal précise que :



« Il ressort de l’article L 121-1 alinéa 1 du code de la Propriété Intellectuelle que l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.



La comparaison entre les deux exemplaires de l’ouvrage, résultant de la première impression contestée puis de la nouvelle impression, établit de façon certaine qu’il a été, lors de la première impression porté atteinte aux droits des auteurs sur leur œuvre .



A la suite d’une erreur de mise en page (...), les pages sont décalées alors que les auteurs avaient prévus des effets de vis-à-vis sur deux pages contiguës. Les effets visuels sont particulièrement perdus en ce qui concerne les pages 17 et 18, 41 et 42, 43 et 44 et 65 et 66. Les effets de rythme, chaque paire de pages en vis-à-vis contenant une séquence, sont également perdus.



Enfin les teintes du premier ouvrage sont plutôt grises que noires, avec des traces de pinceau, alors que les teintes de l’ouvrage réimprimé sont nettement noires et blanches.



Dans un courrier du 8 mars 2007, Erwan Lucas avait bien informé l’éditeur que la page 1 commençait à droite en précisant qu’ensuite les vis-à-vis commençaient par un nombre pair. C’est également une impression en noir et blanc qui avait été prévue par les auteurs.



La société Editions Casterman ne peut leur opposer les dispositions de l’article 8 du contrat d’édition, qui ne portent que sur les aspects techniques de la réalisation de l’ouvrage, la position déterminée des pages étant en l’espèce inhérente à l’œuvre elle-même et en tant que telle ne pouvant être modifiée par l’éditeur.



La faute commise par l’éditeur, qui a fait imprimer et diffuser un ouvrage non conforme à ce que voulaient ses auteurs, n’est pas sérieusement contestable. Par ailleurs, il n’est pas contesté que malgré les mesures prises par l’éditeur, un certain nombre d’ouvrages ont été mis sur le marché à disposition des clients et ont été vendus courant juin et juillet 2007, au préjudice des auteurs, dont le travail de création a été dénaturé.



(...) la demande d’indemnité provisionnelle est fondée et il y sera fait droit à hauteur de la somme de 4000 euros.



(...) Il ressort des pièces versées au dossier que les auteurs ont été informés le 7 juin de la non-conformité de l’ouvrage, qui a quand même été publié le 15 juin. L’assignation en référé a été délivrée les 28 juin et 3 juillet, après l’échec d’une tentative de transaction par l’intermédiaire du SNAC et l’envoi d’une mise en demeure par les demandeurs le 14 juin 2007 de retirer les exemplaires défectueux.



Le communiqué du 13 juin 2007 aux libraires était insuffisant pour préserver les droits des auteurs et la destruction du stock de l’ouvrage n’a eu lieu que le 11 juillet 2007.



La saisine du juge des référés n’apparaît, dans ces conditions, ni téméraire ni vexatoire et la société Casterman sera déboutée de sa demande reconventionnelle.



(...) La société Casterman, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens. L’indemnité à sa charge au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile sera fixée à la somme de 1200 euros et sa propre demande à ce même titre sera rejetée.



(...) Condamnons la société Casterman à payer à Erwan Lucas et Arnaud Le Gouefflec la somme de 4000 euros à titre d’indemnité provisionnelle et celle de 1200 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile... »



Le comité directeur du SNAC-Groupement des Auteurs de Bande Dessinée se réjouit de ce jugement. Si l’obligation de retrait de la vente de l’édition litigieuse était effectivement devenue inutile en l’état, le tribunal a bien reconnu l’atteinte au droit moral des auteurs ainsi que le bien-fondé de la procédure entamée afin d’obliger Casterman à tenir compte de la volonté des auteurs de voir respecter l’intégrité de leur œuvre. Nous espérons que ce jugement mette un terme définitif à cette affaire.



Le groupement des Auteurs de Bande Dessinée tient à réaffirmer qu’il a toujours privilégié la négociation dans cette affaire et qu’une procédure judiciaire n’a été introduite qu’en toute dernière extrémité.



Cette volonté de négociation est la même dans d’autres litiges opposant ces derniers mois des auteurs à leur éditeur. Les solutions amiables ont toujours été privilégiées, et elles ont été trouvés grâce à la réelle écoute dont ont su faire preuve les éditeurs concernés.



Nous réaffirmons notre volonté de considérer les éditeurs, quels qu’ils soient, comme des partenaires et non pas des adversaires et d’être considérés par ces partenaires comme des interlocuteurs avec lesquels il faut compter.



Nous espérons que des discussions saines et intelligentes puissent se dérouler pour travailler concrètement et sereinement à l’amélioration du statut et des conditions de travail des auteurs, objectifs qui ne peuvent que profiter à l’ensemble du monde de la bande dessinée.

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