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lionel tran

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Tout ce qui a été posté par lionel tran

  1. CITATION(Monfreid...)malheureusement peu de gens sont enclin à accepter des commentaires qui ne vont pas dans le sens de leur sentiments  :roll: ... Je crois que beaucoup d'oeuvres sont massacrées ou trop vite digérées, ce qui est assez triste. Les auteurs ont leur part de responsabilité là-dedans, dans la bande dessinée comme ailleurs (il y a eut une discussion intéressante à ce sujet sur le forum de la maison des auteurs de bande dessinée, où Fabrice Neaud intervenait largement.) Je pense que c'est important en tant qu'auteur d'être capable d'avoir des échanges "concrets" autour de son travail, et pas seulement affectifs. Pour moi la relation entre un auteur et son public n'a pas à reposer sur un rapport de fascination, que je trouve triste sur le plan humain et malsain. Une belle dramaturgie est une belle pièce de mécanique, ce n'est pas l'oeuvre d'un démiurge. Expliquer, en tant qu'auteur comment fonctionne une oeuvre n'est donc pas sacrilège, c'est plutôt sain, donc. CITATION(Monfreid...)Lionel sur l'aspect "chaînes de sens" et sur mon trip sur les jeux videos, y as tu songés as un moment ou un autre de l'écriture ?... Question compliquée, une fois de plus. Je ne suis pas joueur (ni de jeux de rôles, ni de jeu vidéos), par contre je m'intéresse à eux, je me suis souvent demandé comment se construisait un scénario de jeu vidéo. C'est quelque chose qui m'intéresse en tant que système et que mode de communication. Pendant que nous travaillons sur l'album, j'ai faillit faire un "stage jeu vidéo" (!) chez un ami écrivain et cinéphile qui défend l'idée que les jeux sont la forme d'expression artistique du 21ème siècle. Cela ne s'est pas fait. Par contre avec un ami infographiste 3D nous avons réalisé une fausse démo animé du jeu eXil, à partir de peintures d'Ivan Brun qui ont été recrées en 3D. Un logo existe, avec une musique. J'ai pas mal écrit sur la conception du jeu, il existe même une interview imaginaire des deux créateurs du jeu, réalisé par un faux site de jeu. Nous pensions un moment lancer l'album par ce biais là : annoncer le lancement d'un jeu qui n'existait pas. Je tourne autour de ta question. J'ai envie de dire que j'avais trop le nez dedans, que j'étais trop obnubilé par l'élaboration maniaque des détails (des textures) de l'album, de son moteur narratif que je n'ai pas pris le temps de me demander s'il fonctionnait comme un jeu. Beaucoup de lecteurs commencent à nous renvoyer cette interprétation d'Otaku. Cela me pose de sérieuses questions.
  2. CITATION(zeas)Le problème c'est que je ne sais plus trop dans quelle direction aller pour le trouver... Procède de manière scientifique : tu as émis plusieurs hypothèses au début, puis tu as cherché à les vérifier, tu as développé avec succès une des ces hypothèses. Là tu es dans l’impasse, parce qu’il manque un élément que tu n’a pas retenu parce qu’il ne collait pas à tes conclusions. Tes résultats te paralysent pour l’instant, mets les de côté, et reviens à tes premières observations, en cherchant ce que tu n’as plus vu, au bout d’un moment. Attention à la surchauffe, cependant :wink: Pendant que vos disques durs continuent à mouliner à plein régime (en cas de plantage, réinitialisez la machine, c’est la seule solution. On perd peu de données au passage…) Je reviens, sur la question qui est souvent revenue d’une lecture analysant le fonctionnement d’Otaku qui invaliderait une lecture plus spontanée. C’est une question que je me suis souvent posé dans d’autres médiums (comme le cinéma, par exemple.) Personnellement je n’oppose pas ces deux types de lectures, qui peuvent se compléter. Je trouve qu’un commentaire de réalisateur ou de scénariste expliquant sur la piste audio séparée d’un DVD ce qu’il a cherché à exprimer et comment il a opéré, enrichit ma vision de l’œuvre. Parfois cela recoupe ma propre interprétation, d’autres fois je découvre des aspects que je ne soupçonnais pas. Jusqu’ici cela n’a jamais éteint une lecture plus viscérale, au contraire, cela l’a souvent accentuée. Beaucoup d’œuvres sont le fruit d’un long travail, qui s’effectue sur des plans divers, mais qui souvent tendent dans la même direction. Lorsqu’il s’agit d’œuvres narratives, l’intrigue constitue en général la colonne vertébrale, mais pas toujours et l’identification aux protagonistes fournit souvent la clé de lecture de l’œuvre, mais pas toujours. Il arrive que l’intrigue soit réduite, qu’il n’y ait pas d’identification possible avec les protagonistes. Comprendre comment fonctionne l’œuvre devient alors nécessaire pour la ressentir. Très souvent les auteurs qui travaillent de cette manière, expriment très clairement à un endroit particulier de l’œuvre de quoi il en retourne. Souvent cela se fait au tout début, par une citation, un morceau de dialogue (c’est le cas dans Avalon, par exemple, où ce dont il est question est posé dès le générique et où une explication simple de la dimension allégorique constitue une des rares scènes dialogués du film.) Je serais presque tenté de dire qu’il n’y a rien à SPOILER dans Otaku, qui n’est pas un récit à intrigue. Les différentes pistes que vous explorez ne feront que renforcer le sentiment que vous avez eut lors de votre première lecture, que l’enrichir (le fait de savoir où non que la narratrice est enceinte ne change pas fondamentalement le récit, cela lui donne juste un peu plus de champ.) Nous avons contrôlé énormément de paramètres dans Otaku, du fait de la manière dont nous avons travaillé (de très nombreuses couches de données se sont accumulées.) Beaucoup de ces paramètres articulent des choses précises, qui soulignent notre propos (un exemple : il y a une manifestation dans la rue, au lieu de s’intéresser à cette manifestation les deux protagonistes mangent dans un Mc Donald’s, où ils parlent de jeu vidéo. Lorsqu’ils sortent dans la rue, un service de nettoyage est déjà en train d’effacer les traces de la manifestation, qui n'a donc pour ainsi dire pas existé pour eux.) L’exemple précédent est d’ailleurs répété, sous des formes diverses. Cette mise en place de chaînes de sens est volontaire, contrôlée, par contre la manière dont vous allez interpréter, ressentir ces chaînes de sens n’est pas de notre ressort. Ce n’est pas que nous ne voulons pas interpréter le livre, c’est que nous ne pouvons pas nous substituer à vos interprétations. Ces interprétations sont d’ailleurs extrêmement riches, elles rejoignent et elles prolongent le travail entrepris avec l’album. CITATION(Monfreid...)J'aimerais bien avoir le temps de m'attarder sur tout ça et de revenir au dessin aussi. Moi aussi. Pose des questions directement à Ivan Brun, peut-être que cela le décidera à franchir le seuil de ce forum, ce qui serait intéressant, sachant qu’il a au moins autant à dire que moi à propos d'Otaku. A propos de l’approche graphique qu’il a adopté, voilà ce qu’il en disait dans une brève interview : Ivan Brun : «Au vu des nombreux thèmes abordés ou effleurés, il me paraissait important d’adopter un traitement graphique clair, lisible et accessible au plus grand nombre. J’ai tenu à ce que le dessin soit plaisant et agréable à lecture, les détails et les arrières plans fournissent un apport de sens et d’information à l’ensemble, sans entraver le récit. La neutralité apparente du dessin fait écho aux situations décrites et donne d’avantage d’ampleur au texte. »
  3. CITATION(zeas)Ne serais-tu pas un peu sadique...??? Je vais essayer de tomber dans le trou sans me faire mal... Otaku est une BD très sadique (ceci dit j'aime aussi beaucoup les romans de Sacher Masoch :wink: ) http://www.polytechnique.fr/eleves/binets/...si/masoch20.pdf. Tout est sous ton nez, tu es déjà passé devant. Mais il te manque encore une articulation essentielle pour le comprendre.
  4. CITATION(zeas)J'espère que je ne suis pas à côté de la plaque sur toute la ligne... :roll: Non, non tu es en plein au milieu de la plaque, mais elle descend encore plus profond. Encore un pas et tu tomberas dans le trou. Ton étude systématique et tes déductions sont jusqu'ici très très justes, je les ai lues avec plaisir. Concernant l'idée des SPOILERS et les questions qui se posent concernant une lecture/analyse qui gâcherait une lecture/plaisir, je prendrais le temps de répondre un peu plus tard. C'est également une question intéressante, que j'évoque souvent avec des amis auteurs.
  5. CITATION(lionel tran)Mais la question est de taille et je n'ai pas fini d'y répondre. Cette question de l'ancrage de mon travail dans l'underground (lyonnais, spécifiquement), n'a cessé de m'interroger depuis le début de ce forum. Je me demande en particulier, pourquoi je n'ai pas de recul là-dessus. Mon premier album avec Ambre, Le journal d'un loser, entraînait également le lecteur, en perception subjective, dans ce milieu, une partie de mes textes se passe dans ce contexte. Pourtant, lorsqu'on me dit "ces gens là", "ce milieu" en parlant de mon travail créatif, j'ai toujours un sursaut, du type : merde, c'est vrai que ça se passe dans un milieu spécifique. Dans une de mes réponses précédentes, je disais que ça pourrait se passer n'importe où ailleurs, et que cela reviendrait au même. Je crois que dans la démarche des deux bouquins en question, je m'appuie sur mon expérience pour dépeindre une problématique sociale qui va au-delà du contexte où elle s'est déroulée. Les lecteurs de ces ouvrages connaissaient rarement ce milieu, et je ne pense pas vraiment que ceux qui viennent de ce milieu soient forcément d'accord avec ce que je dis. Ce n'est pas le sujet. Cela me fait penser, en me gardant bien de toute comparaison, à ce que peut dire la photographe américaine Nan Goldin, à propos du contexte où elle a fait pendant longtemps des images : "je n'ai jamais eut l'impression de travailler sur la marge underground et toxicomane new-yorkaise, c'est quelque chose dont je n'ai jamais eut conscience, pour moi je travaillait sur des histoires intimes..." Ivan à peut-être un autre point de vue là dessus, je ne peux pas répondre à sa place. CITATION(Monfreid...)(...)  Ce qui fait défaut dans cet album (à mes yeux) c'est paradoxalement l'absence de vide. Cette remarque, qui est assez juste, m'a également beaucoup fait réfléchir depuis quelques jours. Otaku est un effet un album extrêmement contrôlé (excessivement ?) Pourtant, pourtant, je pense qu'il a quelques moments où il se suspend, où le propos n'est pas cerné, où le livre respire. On ne peut pas considérer que la double page dans le centre commercial, où règne un silence de quasi-recueillement, soit de cet ordre là. Par contre, les images gelées qui ouvrent les chapitres beaucoup plus. Pas mal de choses dans l'album, comme vous êtes actuellement en train de le découvrir (continuez à chercher), se passent en dehors des personnages, ce qui est courant dans les narrations asiatiques mais qui est assez rare en occident où tout passe par la capacité du personnage à surmonter ce qui se dresse devant lui. Sortir de ce schéma déroute, comme nous le montrent souvent les réactions de lecteurs face à la fin d'Otaku.
  6. CITATION(Monfreid...)j'ai pô le temps de faire des "réponses de choix" :cry:  :?  :cry: Au plaisir de te lire quand tu seras plus libre.
  7. CITATION(zeas)La pub ne cherche pas à promouvoir directement un objet mais plutôt à imprimer une image (de marque ), une façon de vivre dans l'inconscient populaire... Tu es décidément perspicace. Dans tes premières observations aujourd'hui, tu as sans t'en rendre compte mis le doigt sur quelque chose, que tu as ensuite laissé filer. Cherche bien. Je vous ai pas mal aiguilloné aujourd'hui. Je vous laisse trouver les derniers éléments, remonter la chaîne de sens, l'intégrer dans le contexte du livre. Pas de références actives, comme je l'ai dit, par contre cette dimension là de la narration nous a été pas mal inspirée par la lecture du No Logo de Naomi Klein.
  8. CITATION(M_Spock)Cependant, il est dit explicitement dans la BD que exil n'avait pas fait l'objet d'une grosse campagne de pub donc je ne sais pas s'il s'agit du jeu ou non. Pour répondre à cette contradiction apparente, demande toi pourquoi Ryu possède déjà le jeu. J'ai dit pas de références actives (il y a quelques références, mais elles ne font pas sens.)
  9. CITATION(zeas)Je ne sais pas si je suis dans la bonne direction... Tes capacités d'observation t'honorent. Il te manque encore plusieurs articulations essentielles et tu pourra lire cette chaîne de sens dans son ensemble. Plus haut j'ai dit que je n'aimais pas les jeux de pistes, par contre j'aime les systèmes, au sens large, probablement un résidu de ma brève immersion dans la sémiologie et la linguistique. Observer le monde autour de soi comme un système de signes... Le décryptper méthodiquement pour comprendre comment il fonctionne. Tenter de le recréer par jeu.
  10. CITATION(M_Spock)Cette BD devient de plus en plus un jeu de piste pour moi (d'autant que sur bien des domaines abordés, je suis complètement inculte). Pas un jeu de piste, non (je n'aime pas trop l'idée de livres ou de films à indices), pas de références non plus (j'ai été très surpris que des lecteurs du site Bédéka voient les références à des auteurs japonais, elles n'étaient pas faites pour être percés, c'était personnel.) Simplement il se passe pas mal de choses en arrière plan dans Otaku et ces choses font partie de l'histoire, en l'occurence ici, nous sommes en présence d'une campagne marketing à grande échelle et à volets multiples. Ouvrez les yeux comme vous le faites dans la rue, devant des affiches...
  11. CITATION(poupoule)je me suis demandé s'il n'était pas regrettable d'analyser de manière aussi poussée une oeuvre, de la disséquer. Est ce qu'on ne risque pas d'en enlever sa saveur brute, celle qui nous étreint après une douce lecture, au moment où on finit le livre et que l'on se dit : "Waow!" et on se laisse porter par le récit, l'ambiance, quelques instants encore. Je pense que la lecture que chacun se fera sera sa lecture, à partir de sa sensibilité et de son vécu. Plus haut je disais qu'il ne fallait pas partir dans le livre avec l'intention de tout décortiquer du début à la fin, car ce serait indigeste. Le lire en ayant en plus les analyses d'autrui en tête (qui sont de l'ordre de la subjectivité) serait plus difficile encore, je pense que là, effectivement on aurait du mal à se connecter. Après, je pense qu'on peut lire ce qui est posté ici, se faire quand même un avis et vivre soi-même son expérience avec le livre. C'est comme pour un film : certains veulent y aller vierges, d'autres préfères se renseigner. Le fonctionnement est assez impulsif à cet égard. Tu peux, comme le suggère Monfreid, sauter les gros morceaux du forum et revenir dessus après. Pour ma part, je ne vous dis pas quoi penser du livre, ni comment le prendre, j'apporte juste un éclairage, au néon, sur la manière dont nous avons travaillé.
  12. CITATION(Monfreid...)Et je me permets, d'en demander un peu plus sur la construction formelle (traitement de l'image, et surtout gestion du rythme et du lien voix off/image) et sur la façon dont a été mis en place le discours, (ses limites en gros). Il m'a manqué ce "vide", cette fracture même infime, cette imperfection qui fait que l'on sent le tout fragile. Je continue à répondre à ce long post. Le processus de gestation de l’album a été long et compliqué. Il s’est étalé du début 2000 à la fin 2002, avec une période d’interruption de plusieurs mois, le gros du texte ayant été terminé en juin 2001. Il faut donc tenir compte que l’album a été écrit et dessiné alors que les socialistes étaient encore au pouvoir en France, que l’euro n’existait pas, et que ni les échauffourées autour du G8 de Gênes, ni le 11 septembre 2001 n’avait eut lieu. Après que le désir de travailler ensemble sur un album ait été posé, j’ai procédé à une analyse du système d’idées et de représentations à l’œuvre dans le travail d’Ivan Brun, que je connais bien. J’ai scanné l’ensemble de sa production peinte afin de m’en imprégner, j’ai écrit un assez long papier intitulée « l’avènement du réalisme capitaliste », où j’expliquais que le travail d’Ivan consistait précisément à produire un effet ambivalent sur le spectateur en lui montrant des scènes choquantes/excitantes d’une manière ne lui permettant pas de se connecter affectivement. J’ai ensuite listé les thèmes/sujets et les références que nous pouvions avoir en commun, puis j’ai rédigé une scène d’essai, de 7 pages (inédites) où l’on découvre les deux protagonistes japonais dans un avion qui les mène en France. L’homme est taciturne, la fille plus curieuse. Il y a de la tension entre eux, ils sont méfiants vis-à-vis des étrangers. Ils arrivent, s’installent dans un Formule 1, se connectent. Le premier soir ils vont faire un tour en ville. Ce qu’ils voient les indiffère, les odeurs les incommodent. A partir de ce galop d’essai, nous avons analysé ce qui ne fonctionnait pas graphiquement et narrativement, puis j’ai rédigé un premier jet du script, presque complet, ou je déroulais le périple des deux protagonistes sur une semaine, pendant laquelle ils ne faisaient rien, ne voyaient rien, ne s’intéressaient à rien avant de repartir, comme s’ils n’étaient pas venus. A partir de ce script Ivan a dessiné le premier tiers de l’album sous forme de story-board. Il a changé de nombreux éléments, faisant débarquer les personnages dans un appartement collectif. La rencontre avec le groupe de japonais existait dans le premier jet du script, mais initialement Mui sympathisait avec une des femme de ménage du F-1, qui avait fait des études supérieures avant de ce retrouver dans ce boulot où elle était partagé entre rage et dépression. Ce personnage a évolué et est devenu en partie le personnage de Christelle, qui les accueille. Nous avions posé dès les 7 pages d’essai les thématiques du livre, les protagonistes, leur rapport au monde, la structure sur une semaine où il ne se passe rien. Et j’ai fait attention, en dépit des nombreuses manipulations sur l’histoire, à ne jamais perdre ce fil de vue. Dans le documentaire « Cinéastes de notre temps », qui lui est consacré, David Lynch dit «une fois que vous avez commencé, ne vous laissez pas entraîner dans d’autres directions, aussi tentantes qu’elles soient. » C’est un principe que j’ai toujours très rigoureusement appliqué, afin de réaliser des œuvres qui prennent des risques mais qui restent cohérentes. Il s’en est suivie une longue période où plusieurs versions du script avec de nouvelles chaînes de sens (des séries d’éléments qui apparaissent au long des différents chapitres et qui sont reliés entre eux) se croisaient avec la suite, puis de nouvelles versions extrêmement détaillées du story board. Le tout entrecoupé de longs échanges écrits alimentés par la lectures de bouquins traitant des thématiques qui se croisaient dans Otaku. Les principaux ayant été : L’âge des extrêmes, histoire du court XXème siècle d’Eric J.Hobsbawm ( http://www.monde-diplomatique.fr/1999/09/H.../HOBSBAWM/12431), Vitesse virtuelle de Mark Dery (http://www.00h00.com/livre/index.cfm?GCOI=...=27454100979830 je mets également un lien sur ce papier intéressant et très critique sur Vitesse virtuelle qui pose assez bien ce que nous avons puisé dans le livre de Mark Dery http://www.kafkaiens.org/08kaf/vitesse8.htm ), le maintenant très connu No Logo de Naomi Klein (http://www.hcci.gouv.fr/lecture/note/nl111.html) , ainsi qu' Otaku les enfants du virtuel d’Etienne Barral, dont il a déjà été question (un lien a été donné au début de ce topic.) Il y a eut ainsi 5 versions du script, trois du story board (ce qui explique l’aspect hyper construit et contrôlé du livre au final.) Quelles différences entre ces versions ? A chacune d’entre elles nous avons changé des chaînes complètes de sens afin d’affiner le propos. Nous avons néamoins au cours de ces réorientations souvent conservé quelques éléments épars de ces chaînes de sens, afin de garder un côté accidentel (l'élément reste là, mais on ne peut plus le relier à une signification qui à un moment donné éclairait le récit. Ce sens ayant entre temps été effacé ou remplacé) Une très importante transformation a eut lieu à cette période, puisque pour remédier à des problèmes de rythme (l’album était trop lent, suite à des recherches de restitution d’un « temps réel »), j’ai remonté complètement un jet du story-board, ôtant 1 à 3 cases par page, comme je l’ai dit plus haut. Certains des éléments clés ne se sont arrêté que très tardivement, comme le fait que Mui soit enceinte (cela s’est substitué à un suicide des deux personnages dans leur baignoire, qui aurait été diffusé en boucle sur une structure de sites miroirs, le tout étant amené par l’achat récurrent de boites de somnifères tout au long de l’album), le thème et le nom du jeu vidéo (nous avons longtemps cherché ce que serait ce noyau allégorique, quelque chose en rapport avec la parabole de l’extraterrestre gris maigre aux pupilles hypertrophiés noires bridées a longtemps été envisagé), ou encore la forme que prendrait la performance réalisé par Ryu et Mui au Zero-One (la salle ne s'est pas toujours appellée ainsi, nous avons un moment tourné autour d'un nom évoquant la génération "X", qui orne toujours la porte d'entrée. Les salles changent de nom, parfois...) Une fois la dernière version du script et du story-board réalisé l’album a été testé, puis j’ai procédé à un remontage du monologue pour plus de continuité (en gros les textes du monologue ont été en grande partie permutés entre les deux premiers et les deux derniers chapitres.) Le plus difficile a été, comme c’est d’habitude le cas, la mise en place du premier chapitre, où tous les éléments doivent être mis en place l’air de rien, où il s’agit de rester clair tout en étant extrêmement dense en terme d’informations (en l’occurrence il s’agissait là de poser qui étaient les protagonistes, ce qu’ils faisaient là, ce qu’ils vivaient, quelles étaient leurs perspectives…) Le tout dans un cadre ou, même si cela n’est pas fait de manière spectaculaire, les problèmes s’accumulent pour les protagonistes. Ivan a ensuite commencé à réaliser les planches, qui lui laissaient extrêmement peu de liberté, puisque tout avait déjà été dessiné plusieurs fois, avant qu’il commence les crayonnés des planches définitives. Une fois les crayonnés terminés j’ai procédé à une réécriture de tamisage, afin d’unifier le ton, de peaufiner des détails. Le ton de la narratrice était plus soutenu à la base, je l’ai rendu plus sobre, plus mécanique, à la fois plus informatif, et plus geignard, plus petite fille, comme si elle récitait des choses qui la dépasse. Ivan est ensuite passé à la mise en niveaux de gris, à l’aquarelle. Le dessin ne lui avait laissé aucune liberté, la technique choisie a été par contre un terrain complètement expérimental, puisque d’habitude il travaille uniquement à la plume. Ce travail a duré plusieurs mois, il a appliqué une vingtaine de couches de gris différents par page, travaillant plusieurs pages simultanément. A partir de ce stade là il était impossible de toucher à quoi que ce soit, ni dans le texte, ni dans l’image (cette technique n’autorise pas de repentir.) si vous voyez un jour les planches exposées, vous découvrirez qu'elles sont d'une propreté glaciale et impressionnante.
  13. Je suis évidement l'auteur du message précédent. N'étant pas chez moi, j'avais bêtement oublié de me connecter. :wink:
  14. Avant que cela ne rebondisse, j’aimerais aborder un point soulevé au début de ce forum : CITATION(M_Spock)En ce qui concerne un point de vue de lecteur, je dirais que, par construction, cette BD est nécessairement caricaturale. En effet, elle se contente de s'intéresser à 2 populations assez extrémistes : les otaku (et encore, juste un couple) et les gens qui galèrent dans l'underground artistique français. A mon avis, le simple fait de choisir des populations aussi cachées du reste de la société peut donner une image caricaturale (car peu de gens connaissent des personnes correspondant au profil). (...)Pour autant, le désir des auteurs d'échafauder une réflexion sur le désengagement des jeunes générations est intéressant et finalement, le fait de choisir des populations aussi extrêmes pour l'illustrer ne me parait pas saugrenu. En effet, ayant affaire à des jeunes formés et instruits, censés être à l'avant garde de la technique ou de la création artistique, le fait qu'ils soient complètement en dehors de la société et ne s'intéressent pas à son évolution est révélateur d'un malaise. Ivan Brun et moi avons longtemps fait partie de l’underground lyonnais, j’ai tenu une galerie underground, organisé de nombreuses expositions d’art corporel dans une boutique de piercing, où je faisais venir des graphistes décalés et extrêmes (je tenais une rubrique l’underground de l’underground à la période où je travaillais pour le magazine Jade.) Ivan Brun a pendant 9 ans été chanteur du groupe de hard core lyonnais «Coche Bomba » ( http://la.france.pue.free.fr/cb.html) Le milieu que traversent les deux protagonistes d’Otaku est donc le nôtre ou l’a été pendant longtemps. CITATION(Monfreid...)et que faisant fi de leur expérience, ce soit plutôt une "oeuvre" un discours qu'un truc fait avec les tripes! Traiter de manière aussi distanciée un contexte qui nous était aussi proche a été un choix, rendu nécessaire par le thème au coeur de l'album. Je réponds également à d'autres remarques : CITATION(Rand)Donc j'ai une petite question qui va peut être complètement à coté de la plaque et qui va me faire honte jusqu'à la fin de mes jours mais je me lance quand même : Mui ne serait elle pas enceinte ? Tu n'as pas à avoir honte. C'est plutôt une preuve de finesse d'avoir perçu ça : ce n'est pas amené de manière directe. Notre désir était de restituer le trouble de la narratrice, qui n'arrive pas à parler de ça ouvertement. C'est donc quelque chose qui se sent de manière très diffuse. CITATION(M_Spock)Mais curieusement, ça m'a un peu frustré car j'en ai conclu que j'avais eu une lecture trop superficielle de l'oeuvre (j'ai quand même 2 enfants, j'aurais du me rendre compte de quelque chose...) C'est rare que l'on perçoive tout d'une oeuvre au premier regard. J'aime assez les oeuvres dont je découvre des nouvelles couches de sens à chaque lecture/vision. Nous avons passés beaucoup de temps sur Otaku, superposées les couches, avant de les unifier afin qu'il s'en dégage une première impression presque uniforme. C'est normal de ne pas en venir à bout en une ou même deux fois. Pour autant, l'idée n'est pas de prendre le livre à la première case et de le décortiquer méthodiquement jusqu'à la dernière, ce serait indigeste. Il s'agit plutôt de permettre des lectures successives, à différents moments, dans différents états d'esprit, où l'on se connectera à différentes chaînes de sens. CITATION(M_Spock)Il n'empêche que mon interrogation demeure : Quel sens avez-vous voulu donner à cette grossesse (car je présume que cela n'est pas anodin) ? A vrai dire, je ne sais pas si je dois l'interpréter comme un signe de retour dans une "normalité sociale" ou au contraire comme le signe que cette génération, non contente de vivre en dehors de la société, se reproduit à l'identique. On nous pose beaucoup la question du sens de cette grossesse. De manière sensible, elle donne une autre teneur à ce que dit et vit la narratrice. C'est sa fonction au sein du récit. Notre intention n'est pas de proposer des perspectives, mais de poser des questions. Cela ajoute une sacrée question dans la vie des deux protagonistes, une question qui reste en suspens. Il n'y a pas d'interprétation à avoir.
  15. CITATION(anne)mais moi lire un truc comme ça ,ça me fou parfois mal a l'aise,je me pose milles questions...(...)  c'est pourquoi j'hesite toujours à lire . Je rebondis sur vos dernières remarques pour répondre aux interrogations d'Anne. Je suis un peu embêté : il est possible que le livre te mette mal à l'aise par son traitement, mais d'un autre côté, je pense que tu percevrais le point de vue de la narratrice d'une manière différente, qui adoucira probablement ta lecture. Je peux en tout cas te garantir une chose : le livre possède une dimension sensible importante. Plusieurs libraires femmes, travaillant en librairie généraliste l'ont lu et apprécié. Quand j'ai cherché à les sonder pour savoir si la grossesse de la narratrice leur était apparue à la lecture, elles m'ont répondu un peu outrées que cela était flagrant. Etrangement, peu de lecteurs masculins l'ont perçu, et en tout cas ce n'est pas par là qu'ils ont commencé leur lecture.
  16. CITATION(M_Spock)Cela me prouve en tout cas que je suis passé à coté d'un certain nombre de choses. Non, je ne trouve pas. Tes interventions, ainsi que ta critique étaient assez fines et justes. Le livre fonctionne d'une manière très particulière, et tu es bien rentré dedans.
  17. CITATION(zeas)Volontaire ou plus ou moins inconscient ?  :D Etant donné que je n'ai pas de recul là-dessus, je dirais donc plutôt inconscient. Je cherche à pratiquer une bande dessinée assez perturbante dans ce qu’elle dégage. La toute première Bande Dessinée que j’ai lu, étant enfant, était Vuzz de Philippe Druillet. C’est un album qu’il réalisé alors que sa femme était malade du cancer, ça raconte les « aventures » d’un solitaire qui parcourt un monde en train de se désagréger. C’est extrêmement rêche, désagréable et oppressant, tant dans le dessin que dans ce qui est raconté. C’est un bouquin au découpage très cinématographique (je ne lisait pas encore à l’époque), que j’ai parcouru des centaines de fois et qui m’a profondément marqué. Il n’y a pas longtemps j’ai fait le parallèle avec des choses difficiles que je vivais sur le plan familial à la même période. Cette Bande Dessinée a donc été doublement fondatrice pour moi : par sa forme elle a posé pour moi sans que je le sache le canon de ce que devait être une bande dessinée, tout en servant de réceptacle à des sentiments que je ne pouvais pas exprimer. Jusqu’ici j’ai donc cherché inconsciemment à réaliser une bande dessinée qui ait le même effet traumatisant/libérateur sur le lecteur. Je crois que c’est pour ça que je choisis des thèmes qui peuvent toucher pas mal de gens mais qui sont tabous (le mal être de ma génération, le sentiment d’obsolescence de la génération de mes grands parents, la « vraie vie peu glorieuse» d'artistes célèbres, ou encore le désinvestissement politique de ma génération avec Otaku.) C’est drôle d’ailleurs, parce qu’ Ambre et moi avons tous les deux Druillet à la base de notre désir de Bande Dessinée.
  18. CITATION(Monfreid...)je me demande si la génération en question, n'a pas acquis une capacité parfaitement stérile et fausse! (...) Du coup, je me demande si la "disséction" à laquelle tu fais allusion, ne serait pas juste une métaphore! Car privé de toute idée de vie organique ces cerveaux générationnels sur gavé de précision et de plaisir sont coupé de la vie! et surtout de l'action! et surtout de la connaissance en tant qu'analogie perpétuelle du monde! (...) Bref la génération à laquelle tu fais allusion me semble forcément un peu autiste! Car c'est là même qui à besoin de nounours pour dormir à 30 ans! Qui glorifie les dessins animés de son enfance ! Qui concomme certes avec le plus de connaissance sur le produit, mais qui consomme le plus tout court surtout (ou pas loin)... Bingo ! Oui, c'est le coeur même de notre projet. La forme narrative que prend l'album est donc très proche de ton constat : beaucoup de choses ne mènent nulle part, les personnages sont déconnecté, desinvestis, ils consacrent leurs capacités à créer des choses qui n'intéressent personne... C'est assez terrifiant, et triste, mais, comme le dit un des personnages, "c'est comme ça."
  19. CITATION(zeas)Au sujet de l'écriture de cette bd, as-tu (tutoiement?) travaillé seul ou en collaboration avec Brun. Il me semble que c'est la première fois que vous travaillez ensemble alors que tu collaborais en général avec Ambre. Ce changement a-t-il eu des répercussions sur ta façon de travailler le scénario? Cherchais-tu un style graphique particulier pour ce scénario? Le tutoiement ne me gène pas. J’ai travaillé de très très près avec Ivan (je ne sais pas s’il osera intervenir sur ce forum, il pourrait apporter d’autres informations sur son travail pour l’album.) C'est-à-dire que nous nous sommes permis d’énormes libertés l’un par rapport à l’autres : Ivan a parfois changé de nombreux éléments du scénario, ajoutant des personnages, inventant des scènes ; de mon côté il m’est arrivé de remonter complètement l’album, enlevant une à trois cases par page, afin d’en modifier le rythme. En tant que scénariste, je lui ait fourni énormément de documentation, mais c’est lui qui m’a fait découvrir le livre de Barral, Otaku, les enfants du virtuel, qui a été fondamental pour l’écriture de l’album. Pour moi, la relation de couple « dessinateur/scénariste » est toujours extrêmement longue à mettre en place. Il ne s’agit pas d’imposer ses idées à l’autre, mais créer une grammaire commune. Je travaille donc avec des gens dont les thématiques et l’approche graphique m’intéresse, des gens qui seront également sensibles à mon écriture. Le travail du dessinateur est plus long que celui du scénariste, je réfléchis donc toujours longuement avant de proposer un projet sur lequel le dessinateur trouvera son compte. Pour Otaku, j’ai écrit le scénario en tenant compte des thèmes très contemporains qu’Ivan et moi avons en commun. Le travail avec lui a été très différent de celui que je fais avec Ambre (notre premier album a été très long à réaliser, mais maintenant c’est assez intuitif entre nous.) Ambre travaille de manière plutôt elliptique, il va conserver l’essence de ce que j’exprime. Le démarrage du travail avec Ivan a été pour moi assez déroutant : je me souviens, dans un descriptif, avoir écrit « Ryu se gratte le nez », pour poser la nervosité du personnage. Ivan a détaillé cette action sur deux cases. Sur le coup, ça m’a affolé, je me suis dit qu’il allait falloir gérer un nombre de paramètres faramineux. Au final c’était assez plaisant, étant donné qu’aucun élément n’est là par hasard, j’ai pu considérablement densifier le traitement des thèmes abordés. Un des points sur lesquels j’ai beaucoup travaillé est le monologue de la narratrice, afin d’obtenir une dimension sensible qui vienne contrebalancer l’aspect distancié des images. Ce n’était pas évident parce qu’il s’agit d’un personnage réservé, qui dit peu ses sentiments. En travaillant avec Ambre, j’ai souvent tendance à retrancher dans le texte afin d’obtenir la note la plus juste possible. Avec Ivan, j’ai dû développer, tout en gardant un style simple et sobre. CITATION(zeas)Il semble que la solitude (et le rapport à l'autre) soit l'un des points communs de tes ouvrages, est-ce volontaire de ta part ou plus ou moins inconscient? (tu le dis si j'abuse... :oops: ) Alors là, tu me pose une colle. J’aurais été tenté de dire « la difficulté à être », plutôt.
  20. CITATION(Monfreid...)bonjour Monsieur Tran :wink: ... (...) rien que pour ça je pars l'acheter demain! Bonjour Monsieur Monfreid, je suis curieux de votre lecture. Dans vos posts précédents vous avez soulevé de nombreux points qui m'ont amené à réfléchir à certains aspects du projet sur lesquels je n'avais pas pris de recul. Je prendrais le temps d'y répondre. Ce qui est intéressant dans ces échanges, c'est que ça marche dans les deux sens.
  21. CITATION(zeas)Je me demandais quelles étaient les raisons qui vous avaient poussé à choisir cette couverture assez surprenante et déstabilisante, de même que le titre d'ailleurs qui reprend un terme peu connu en France... Le choix de cette couverture s’est fait assez tardivement, cet été, alors que l’album était terminé depuis deux ans. L’album a connu un changement d’éditeur entre temps. Il devait initialement sortir chez 6 Pieds Sous Terre, qui a édité mes 3 albums précédents. A la base, une autre couverture montrant les deux personnages était prévue. En changeant d’éditeur, l’album s’est inscrit dans une autre collection, la «hors collection » des Requins Marteaux, où sont parus Garduno en temps de paix/Zapata en temps de guerre de Philippe Squerzoni. Cette collection a une esthétique assez forte, que voulaient développer les Requins Marteaux. Il a donc fallu trouver un moyen d’articuler notre propos dans ce cadre. C’était intéressant : l’idée était de faire évoluer ce cadre afin qu’ils puisse accueillir d’autres ouvrages engagés adoptant des formes narratives différentes. A l’arrivée notre couverture est assez glaçante, du fait des couleurs, des typos choisies (nous avons été un peu outranciers sur ce point, puisque la typo des noms est celle d’Aliens –sic- tandis que celle du titre est la typo de la Gamecube –rien que ça.) Pourquoi un robot ? Il fallait que la couverture tourne autour d’un élément décontextualisé. Le robot est un des éléments centraux de notre récit. Il est à la base de la relation amoureuse entre les protagonistes, il revient à de nombreuses reprises dans le récit et il est relié au « désinvestissement du réel » que nous traitons avec l’album. J’avais suggéré à Ivan de reprendre le « robot souvenir » qu’achètent les deux protagonistes dans la rue. Ivan a proposé une version adaptée du Aibo de Sony. Ça ajoutait une dimension supplémentaire, la fascination pour la recréation artificielle du réel, qui recoupe les thèmes abordés dans le livre. Deux liens assez drôles/terrifiants sur les animaux robots : http://www.aibo-europe.com/ (chien) http://www.necoro.com/ (chat, si, si.) Le titre a été choisi en tout début de projet (en 2000), il s’agissait de prendre un terme très connoté et de montrer qu’il pouvait s’appliquait de manière beaucoup plus large. Passer du lieu commun « otaku/attardé/obsessionnel japonais » aux otakus que nous sommes tous plus où moins («diplômés/désinvestis socialement/utilisant leurs capacités intellectuelles dans le domaine de leurs loisirs » -ce que sont d’ailleurs les otakus japonais.) Ce qui pouvait sembler assez provocateur à l’époque, est de plus en plus couramment admis (on a tous l’impression de connaître un ou des otakus aujourd’hui.) Je me suis longuement expliqué sur cet aspect du projet sur le forum Bédéka, auquel je vous renvois. CITATION(zeas)Je trouve cette démarche très intéressante, voire même séduisante, mais également très risquée d'un point de vue commercial... Que dire ? J’ai toujours travaillé chez les éditeurs indépendants, les tirages sont beaucoup moins importants, les auteurs peu, voir pas payés, le fonctionnement souvent plus souple, on peut quasiment travailler sur ce qu’on veut, comme on veut. Cela pousse bien sûr à se prendre beaucoup plus en charge. La question est surtout de parvenir à rencontrer son public (le travail de communication est souvent fragile chez les indépendants.) Cela est difficile sur le plan matériel (mais très rares sont les auteurs chez les indépendants qui comptent sur leurs albums pour vivre), mais cela peut également être extrêmement satisfaisant. Il nous arrive par exemple d’atteindre un lectorat qui n’a pas l’habitude de la Bande Dessinée, qui aura donc un regard différent sur le médium. Je fréquente pas mal d’éditeurs et d’auteurs de littérature, et c’est étrange, les tirages et les ventes que nous pouvons avoir en tant qu’indépendants sont souvent bien supérieurs à ceux de la littérature. Au risque d’en faire bondir quelques uns, il n’est pas rare qu’un titre de littérature se vende à quelques centaines d’exemplaires (sans prendre en compte le minuscule pourcentage des best sellers.) Quelques milliers est en général considéré comme un très bon chiffre. Cela n’a rien à voir avec les chiffres des éditeurs de bande dessinée.
  22. Ivan Brun m'a transmis le lien sur ce forum hier, lors de notre première dédicace pour Otaku. La question qui se pose toujours, c’est : intervenir ou ne pas intervenir sur un forum où l’on parle de notre travail ? Dans la mesure où lorsque l’on fait une œuvre c’est dans l’optique de communiquer quelque chose (des sentiments, des idées…) à quelqu’un, je trouve intéressant d’établir un dialogue entre « émetteur » et «récepteur », afin qu’un échange s’établisse. En tant qu’auteur, on se demande beaucoup, en travaillant, comment tel ou tel élément va être perçu, quel type d’impression on va générer chez le lecteur. Autant vous avouer tout de suite qu’avec un projet tel qu’Otaku, étant donné que nous avons choisit de pousser le bouchon assez loin, nous sommes particulièrement attentifs à la manière dont le livre est reçu. Etant donné que les questions qui se posent ici concernent jusqu’à présent surtout la forme du livre, je vais tenter de répondre à vos remarques dans ce domaine, ce qui évitera de recouper la discussion en cours sur le forum Bébéka, qui s’est très vite aventurée sur le terrain de la sociologie et des thématiques abordées dans le livre. Vos remarques, vos réticences parfois, sont riches et précises, il me sera donc difficile d’apporter une réponse à tous les points soulevés en une fois. Pour commencer, disons qu’avec Otaku, nous avons choisit de réaliser un livre qui s’avère éprouvant à la lecture, qui laisse le lecteur troublé, sans qu’il ne sache à la première lecture exactement pourquoi. Un livre qui amène à se poser des questions, non pas générales, mais plutôt d’ordre personnelles et connectées à son environnement. Des questions que la génération à laquelle nous appartenons a peu l’habitude de se poser. Les références à partir desquelles Ivan Brun et moi nous sommes concertés étaient des auteurs travaillant dans ce sens là, dans le champ littéraire (Bret Easton Ellis) et cinématographique (Michael Haneke.) Il s’agissait donc de créer un dispositif narratif enfermant le lecteur en lui permettant très peu de recul au moment de la lecture. Cette immersion se fait entre autre par le point de vue de la narratrice, une jeune japonaise lucide et réservée, dont le monologue accompagne tout l’album. Ce monologue est à la fois mélancolique et désenchanté, et prend la forme d’un long regard en arrière sur sa vie. Les œuvres auxquelles nous nous sommes référés ne sont pas des œuvres intellectuelles et froides, mais avant tout sensibles (et peut-être gênantes et tristes et révoltantes.) Un des rares auteurs de Bande Dessinée chez qui je retrouve ce type de sensibilité est Adrian Tomine. La question de conserver une partie des textes en anglais (en mauvais anglais d’ailleurs, parlé par des français et des japonais), de leur adjoindre ou non une traduction en bas de page, s’est bien sûr posée à nous. Du point de vue des dialogues, le livre était assez compliqué à gérer : les deux protagonistes sont japonais, ils pensent et ils parlent entre eux en japonais, donc la langue du livre « en clair » est le japonais. Ces deux protagonistes se retrouvent en France, or ils ne parlent pas français, donc leur seul moyen de communiquer est l’anglais, un anglais basique (tous ceux qui ont un peu voyagé ou au moins du échanger avec des étrangers savent que cela coule de source.) De plus lorsque des français parlent entre eux dans l’album, les japonais ne les comprennent pas, il a donc été nécessaire de trouver une astuce pour faire passer cela (nous avons opté pour une sorte de petit guillemet, qui apparaît chaque fois que les français parlent français.) Pour nous c’était important de marquer le fait que l’anglais soit le seul moyen de communiquer entre des gens de cultures différentes. Après avoir un peu hésité, nous avons décidé de ne pas mettre de traduction, sachant que même s’il pourrait y avoir des réticences les lecteurs de l’album n’auraient pas de problème avec ces quelques phrases (que cela soit accepté sur le plan culturel est une autre histoire…) Le fait que cet album s’adresse à un public particulier ne s’est pas fait consciemment, mais c’est quelque chose que nous assumons. C’est effectivement un livre qui s’adresse aux gens de notre génération, qui essaie de décrire le contexte particulier où vit cette génération (qui n’a plus rien à voir avec celui des générations précédentes) et qui pose des questions la concernant. Faire un livre aussi dense dans sa forme s’est également mis en place en tenant compte que cette génération a fait dans sa très large majorité des études longues et qu’elle a les capacités d’analyser, de disséquer, de prendre position sur ce qui constitue son alimentation culturelle. Hypothèse que confirment les réactions sur ce forum.
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