Artiste complète , Anne-Perrine Couët nous délivre une première oeuvre plutôt marquante avec cette biographie romancée de la comtesse Bathory . Un personnage du début du XVIIème dont j'ignorais l'existence , et que j'ai découvert avec un énorme plaisir en lisant ce magnifique ouvrage à la reliure rouge sang . L'auteure utilise 3 couleurs essentiellement : un jaune moutarde associé à un noir et blanc crayonné du plus bel effet . On a l'impression de contempler une toile de Jouy d'époque (même si ce style arrivera plus vers 1700) . Les visages sont expressifs , les décors prennent vie à tel point qu'on entendrait presque le parquet craquer sous les pas des protagonistes . Un véritable travail de recherche historique a été soigneusement effectué aussi , et cela transparaît sur les costumes , l'architecture et , bien-sûr le contexte de l'époque avec une Hongrie enclavée entre deux grands empires : au nord le Saint-Empire Romain Germanique des Habsbourg ; au sud l'Etat le plus puissant du monde en 1600 , l'Empire Ottoman de Mehmed III .
Sur ce fond de rivalité , nous débutons par le procès de la comtesse avec les témoignages de ses employés . Elle est accusée de sorcellerie et d'assassinats multiples avec tortures . Au fil des échanges entre témoins et procureurs , nous allons découvrir sa vie , sa jeunesse , son mariage arrangé , la naissance de ses enfants , son quotidien avec ses passions et sa façon de diriger . De ce jugement va ressortir une femme incroyablement en avance sur son époque ,et on va très vite se rendre compte qu'il s'agit d'un simulacre de procès . Torture des témoins , dépositions sous contrainte etc .... Tout est mis en oeuvre pour la destituer . Là où elle use de techniques herboristes pour soigner , on va y déceler de la sorcellerie . Elle prend sous son aile une rebouteuse qui va "ouvrir" ces femmes trop seules (les maris faisant la guerre) aux plaisirs féminins et à un épanouissement sexuel non dépendant de l'homme . Là encore : sorcellerie ! Cet avant-gardisme ne passe absolument pas auprès du clergé et des autorités locales . Un complot va se mettre en place et le terrible couperet va s'abattre sur cette héroïne hongroise .
Il est impossible de ne pas éprouver d'empathie pour cette femme au destin tragique . Sa vivacité d'esprit , sa modernité , son amour pour ses enfants et son mari , et le soin qu'elle mettait à assurer une vie meilleure pour ses domestiques , sont autant de qualités admirables resituées historiquement . Un grand bravo à cette jeune artiste qui fait preuve d'une maturité certaine dans ses planches ainsi que le scénario ciselé à merveille . Les dialogues sont par ailleurs très bien écrits . Un sans faute pour Madame Couët ! J'ai déjà hâte de lire sa prochaine oeuvre 🙂
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