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Le Photographe


Monfreid...
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LE PHOTOGRAPHE Tome 1

Par Guibert, Lefèvre et Lemercier



Résumé : Afghanistan, 1986. Le monde vient de rentrer dans une relance de la guerre froide. Il n’est alors pas question de couvrir l’événement minute par minute ou de vendre les tee-shirts à l’effigie de Massoud, il est juste question pour Didier Lefèvre de suivre son premier convoi pour Médecins Sans Frontières.

Avis : Il est des reportages, des images ou des récits qui touchent notre fibre humanitaire. Néanmoins, cet engouement s’estompe souvent au bout de quelques minutes. Cet album détruit notre usine à oubli.
Mêler récit et photos de voyage revient à adopter un ton en équilibre entre complaisance et démonstration. Le fait d’exprimer cette histoire par le biais de cases offre la rigueur nécessaire à cet équilibre. Cette biographie permet le déploiement précis d’anecdotes véridiques qui, par leur foisonnement, comble le lecteur avide de détails croustillants. Cette dissolution de l’intensité dramatique dans le flot des événements amène le lecteur à s’immerger dans l’aventure. Elle met en parallèle, de manière didactique, l’ignorance du photographe et du lecteur concernant les enjeux de cette mission. Ce choix porte préjudice à la crédibilité de l’entreprise. En effet, l’accumulation d’informations ludiques et le recul qu’instaure le « voix off », le rythme font tendre vers une lenteur bien pesante. Cet aspect de l’album est très rationnel (jamais cela ne nous choque). On nous informe, on nous fait voyager, on nous « divertit ».
Le pendant de cet aspect vient de l’insertion de photographies ay sein de l’album. L’effet produit est radicalement différent : là il n’est plus question de noyer la douleur et le drame dans la routine. Il s’agit, au contraire, de l’exalter, d’essayer de faire sortir les sentiments les plus bruts de ces images. Désormais on sait que l’aventurier (moderne) a une famille, aime sa ville ou se fait bizuter, qu’il n’est pas un « héros » mais un accompagnateur, un membre comme un autre dans cette caravane. Les premiers « auto-portraits » mettent à mal immédiatement toute dérive vers une vision égocentrée du périple. Les portraits d’autrui ou les gestes vitaux (l’emballage des cartons) intègrent le photographe dans une réalité à venir, dans l’attente de la souffrance. Ces prises de vue nous renvoient à l’implacable rouleau compresseur que fut la guerre froide. De plus, il n’est pas possible qu’une récupération de ces événements par notre bonne conscience actuelle ait lieu. D’ordinaire, si une histoire « vécue » touche trop nos émotions, on la fait rapidement disparaître dans notre zone estampillée : « à oublier ». Ce recours est ici impossible car les photos cassent le rythme du récit, nous amenant sans répit vers une réaction de fond.
Parler de dessin pour ce premier tome ne serait pas rendre justice aux auteurs tant leur travail ne se limite pas à une adaptation formelle. Guibert (entre autre) fait un travail époustouflant par son trait qui saisit l’essentiel du matériel à sa disposition. Les couleurs, vives et franches, les courbes épaisses, la liberté et la gestion de l’espace donnent aux dessins un aspect cru duquel. Nos sensations ne peuvent s’extraire facilement. Pourtant, la qualité du travail ne permet pas de croire en des croquis faits sur le vif. Ce sont les photos qui ramènent l’esprit du lecteur vers la réalité que le trait a forcément gommé. Sans la vivacité du graphisme, sans sa présence, aucun « saut » émotionnel ne serait possible entre les deux médias. Ce « saut » permet un dépassement des figures de style littéraire ou pictural. Ici ne règne ni super héros, ni héros, ni anti-héros. L’homme n’est ni couard ni courageux, trop occupé à essayer de rester debout. La morale glissant sur lui, le lecteur ne peut y plaquer son manichéisme latent.
La photo sauve le discours de la raison et le discours sauve la photo de l’émotivité assurant l’improbable pérennité de l’instant.
Ce n’est plus un BD à lire mais à agir.

Bien à vus,
Monfreid...
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  • 3 weeks later...
J'avoue avoir eu un doute lorsque j'ai découvert l'album. Est-il bon de mélanger la photographie au dessin ? Le résultat serait-il à la hauteur de nos attentes ? Car il faut bien le dire, ce genre d'album n'est pas courant dans la Bande Dessinée. Et puis, au fil de la lecture, on se rend compte que c'est réussi, on est parfaitement au cœur de cette histoire. C'est alors l'émotion du récit qui vient nous prendre, l'étonnement aussi, mais surtout cette stupéfaction face à la bravoure d'hommes et de femmes. Ils sont MSF et c'est grâce à Didier Lefèvre, formidable photographe, que l'on découvre la difficulté du métier de ces personnes. J'ai été impressionné par leur courage et leur volonté de faire au mieux leur travail au cœur d'un pays en guerre. Inlassablement ils sont confrontés à la rage des hommes qui détruisent autour d'eux au nom d'une religion, pourtant de paix.

C'est l'Afghanistan en 1986, c'est un pays blessé où le Jihad gagne les hommes un peu plus chaque jour. C'est un reportage photo de Didier Lefèvre qui est arrivé à " capturer " l'essentiel émotivité qui se dégage des afghans et du groupe de MSF.

Enfin, l'initiative de Emmanuel Guibert est à saluer. C'est un bel hommage qu'il rend ici au photographe grâce à ce graphisme généreux au trait gras qui donne ce côté très " vivant " aux protagonistes. Le découpage, on le sent, n'a pas dû être facile, mais l'auteur a réussi à faire la transposition de la photo au dessin avec une parfaite maîtrise.
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  • 9 months later...
Dans les librairies du réseau CanalBD et sur bdnet.com, vous pouvez acheter un coffret collector où le tome 2 est accompagné d'un album intitulé "Les Photos du Photographe", qui permet de découvrir d'autres clichés de Didier Lefèvre ainsi que des dessins inédits d'Emmanuel Guibert. On y trouve aussi une enveloppe timbrée Nation-BDnet numérotée à 300 exemplaires et signée par Emmanuel Guibert.
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Je sors à peine de la lecture de ce deuxième tome et les mots manquent pour donner envie de lire cette Bd... Comment exprimer ça sans trop en faire ?... :?

Cet album est beaucoup plus dur que le précédent, puisque la mission est arrivée à destination, à quelques dizaines de kilomètres des combats. Certaines images sont vraiment difficiles et le photographe comme le lecteur se prend les horreurs de cette guerre en pleine figure. J'ai découvert aussi grâce à ce deuxième tome toute la supériorité de la photographie sur le cinéma documentaire : les mêmes images filmées auraient-elles eu la même force, la même intensité, la question mérite d'être posée à la vue de cet album...
Un album dense, cru, superbe par ses photos, qui retranscrit totalement l'atmosphère de la mission et nous entraîne dans ces inhospitalières montagnes afghanes. Les photos une fois encore bien choisies sont la base de la narration et donne le rythme à l'album : on souffre avec eux, on ressent leur fatigue et leur lassitude, on apprécie les moments de décontraction qu'ils s'octroient. Un témoignage rempli d'humanité, devant l'abnégation de ces volontaires de MSF, devant la résignation de ces Afghans face à la guerre, leur bonté dans le dénuement, l'acceptation qu'ils ont de cette guerre pour "garder leur liberté".

Une p***** de claque en bref, ça fait du bien de se rappeler de temps en temps pourquoi on aime la Bd et pourquoi on paie ce prix pour les lire...
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perso j'ai commencé..;j'ai arrêté...ça me donne envie de casser la table du salon...et de taper les c... c'était pas le bon moment faut croire..;maisça à l'aireffectivement très fort...

faut croire que ça aura malheuresement droit à un article pudibond dans télérame histoire de contenter les certitudes pacifistes de la majorité du lectorat...d'augmenter les ventes de l'album...et pis?
pis ben c'est otu ma p'tite dame

faut dire l'achat du bien pensant branchouille est blindé ce mois ci entre le photographe et le spiegelman y'a de quoi faire non?

merci donc à Ed pour cet avis claque dans la tête...ça fait du bien 8)

je sens que la plume ira dire bonjour à un encrier empli d'un encre des plus noir!
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Le photographe tome 2
de Guibert,Lefevre et Lemercier
aux éditions Dupuis






Résumé : Partie du Pakistan, l'équipe de MSF arrive enfin au coeur de l'Afghanistan, en pleine guerre entre Soviétiques et Moudjahidin, pour accomplir leur mission de soins et d'aide à la population. Guilbert raconte le premier grand reportage de son ami Didier Lefevre, laissant aux photos le premier rôle, ne dessinant que lorsqu'elles viennent à manquer.


Avis (écourté!)

Peut-il y avoir?
Est-ce encore possible ?


Le malheur et le bonheur se mesurent ils ? bien sûr ! Bien évidement, sinon à quoi bon lutter? L'oubli généralisé est le médicament le plus prescrit en ce bas monde. Oublie de remettre à zéro le compteur trop occupé que nous sommes à en terminer avec cette journée dure et épuisante, pressé que nous sommes à ne pas vouloir la triturer pour en extraire l'aigreur, apeuré que nous sommes devant toutes formes de douleur autre que neurasthénique.

Le constat effroyable du monde actuel n'est pas la misère ou la souffrance. Le plus terrible c'est l'oubli, l'oubli et la récupération qu'il entraîne.

Récupération pour une réutilisation lucide et sereine du temps et de l'espace. Ça tombe bien, la nature à horreur du vide.

La société moderne c'est l'optimisation égoïste de cette récupération. Le simple fait d'user de ces termes "sociétés modernes" induit chez certains l'idée que l'auteur de ces lignes est un baba réac' ou un révolutionnaire frustré de pacotille; en tout cas pas quelqu'un qui à la plus petite idée de comment le monde fonctionne. Immédiatement se greffe les préjugés les plus tenaces (et les plus faciles), lorsqu'il s'agit de s'attaquer à la douceur des bons citoyens s'en allant voter en voiture climatiser.

Admettons! Admettons cela! Que je veuille faire cette chronique sous l'égide du pavillon ou se traîne ma "lutte égocentré et stérile". Admettons! Que ce ne soit pas par rage. Mais alors, n'est il toujours pas pire de constater qu'en les lignes des dossiers fait à la va vite sur le sujet, le marketing affligeant et les pseudos prises de consciences à 10 balles la séance, qu'entre toutes ces formes tentaculaires de la bonne conscience kleenex contemporaine se dessine la rationalisation pure et dure des esprits étriqués et médiatiques qui nous gouvernent ?

Ce n'est pas tant d'un oublie occultant le lourd passé coupable qui me gène; c'est l'oublie à la petite semaine des revendeurs de rêve transitoires, celui de bazar dont on se satisfait mollement dans nos paresses crasses, avide et parfaitement rôdés que nous sommes à compter ce que sera demain et le jour d'après, entre les paravents de notre culture forcément "dominante". Cet oubli systématique qui est le nôtre et qui fait que l'on omet gentiment et sagement de retirer nos œillères chaque matin, histoire dit on de nous confronter à la "dure réalité". L'oubli de lever le nez du bol de café, l'oubli de ne savoir se contenter que du mieux, ce mieux si indispensable, ce mieux figure de prou de nos illusions et de nos besoins, ce mieux ennemi du bien.

La terrible récupération fera que l'album passera à travers les mignons petits filtres d'acceptation des écrivaillons en mal de sujet larmoyant pour le mois. Nombreux encore seront les lecteurs à ne retenir que des noms et des dates pour faire briller leur âme charitable (forcément) dans les cercles factices et fastueux qui leur servent d'amis, et leur tiennent lieux de miroir.

On me dira que ce sont ces dossiers et autres agitations en forme de "mea culpa" qui fourniront matière à d'autres vocations en terme d'humanitaire ou de MSF. La jolie parabole que voilà. A ceux là je dis "oui ! et alors?"

Doit on se laisser recouvrir le bulbe par un tas de lieux communs. Ce faire enfoncer les portes béantes par des boniment sous prétexte que "mon dieu la morale est sauve, on à trouver une bonne action de commise grâce à nos bons soins ?"

Aux bornés de l'occiput, dont un œil traînent aux abois de l'actualité et l'autre se prosterne aux pieds d'hommage mal ficelé. Aux encrassés perfides et fourbes, aux tenanciers des bennes à ordures de l'oubli et de la récupération. A ceux là j'ai cessé de m'adresser. Ils salissent la lecture!

Prendre des images les arrachés du réel, avec force et douleur, pour mieux le figer, tout en préparant sa reconstruction future. Prendre des photos là encore il est question d'oubli.

Plus encore dans ce deuxième tome on sent le poids de ces moments égarés, que l'on ne connaîtra jamais. Photographier c'est faire un choix, le choix du point de vue, le choix de la fragmentation, de la dispersion. Au-delà de l'esthétisme de l'oubli qui se dessine "en creux" de l'amoncellement des clichés. Au-delà il y a l'oubli de soi et des pans de la réalité qui nous entourent.


L'alternance de dessins et de photos transforme le vécu en fiction, en récit. Pour certains il y a là un travestissement du témoignage. Et déjà les uns digèrent cette fiction (au passé c'est plus simple) entre les murs compassés de leur habitudes mornes. Tandis que les autres continuent d'agiter frénétiquement leurs membres fanatiques au nom de la quête de vérité, de la lutte contre le pari pris tagada tsoin tsoin. Comme pour prouver qu'ils sont encore en vie! A croire que jamais personne n'a menti. A constater surtout que ces réactions sont celles, prévisibles, de consommateur. Satisfait ou rembourser du reportage sur l'horreur des balkans! V'nez messieurs dames!

La force du récit et de sa forme double c'est justement de prendre à bras le corps les critiques et de s'affirmer en tant que fiction. L'émotion induite par les images est trop forte, trop présente pour que l'on puisse la nier. Mais l'erreur aurait été de sans servir, de la montrer dans un patchwork de photos choc. Témoignage de la guerre et de ses atrocités. Cette démarche aurait été vaine, du fait de la surexploitation du créneau par les médias. A croire qu'il existe un brevet pour cet effet "bombe lacrymo" : pique les yeux, mouche le nez, ferme les yeux et passe ton chemin le plus vite possible!

Quelle alternative pour aller à l'encontre (mais ni combattre ni lutter contre, ça lui ferait trop d'honneur) la récupération ? Quelle autre choix que celui de forcer le trait, de recréer les choses oubliées et mises aux rebus ? le dessin c'est capter l'imaginaire du lecteur, par lui l'identification s'opère. L'oubli touche alors nos réflexes raisonnables, ainsi que nos mécanismes de défenses qui s'affaissent. On s'engouffre dans le récit près à être diverti, l'air concentré : on se réfugie dans la lecture. Paradoxalement c'est cet enfermement qui nous libère du cloisonnement extérieur et de son influence.

Le premier tome "usait" déjà de ce procédé, le dessin ouvrait une brèche en nous pour mieux laissé agir l'expérience du photographe. Le thème du voyage nous offrait de l'évasion et distancier la souffrance; c'était beau mais c'était loin. L'éloignement, le dépaysement renverser la vapeur de nos angoisses et confinait nos certitudes. Nous pouvions continuer de non agir dans le confortable fauteuil de la reconnaissance de la morale et du mérite. Le fort, le noble, le courageux avait doit à une tape amicale sur l'épaule en guise de sobre remerciement, une fois le tumulte envolé et l'attention portée sur la construction sans fin de lendemain interminables.
Peu à peu le constat se prête au jeu et force et de remarquer que la fiction se dilue dans la réalité.

Il est étranger de voir que la force qui nous cloue à notre siège nous amène à valoriser les gestes et les personnes médecins, leur apportant gloire et renommé sont dont ils n'ont pas besoin. Puis de voir que la dilution s'entame dans le mauvais sens, la bonne conscience et les valeurs morales prenant le pas sur le récit pour que logiquement tout se normalise bien sagement. On oublie de plus en plus le sujet de départ, qui finit par disparaître au plus profond des égouts de nos mémoires.

S'en est à se demander si quelqu'un s'est penché sur les techniques employées?
Si le dessin ne faisait que combler des vides photographiques ou si au contraire les photos s'organisaient en fonction des dessins? Ce qui remet en question le choix du photographe et sa démarche.
La récupération du sujet devient plus importante que le sujet. On se désintéresse du cheminement de l'artiste ou de la caravane qu'il accompagne, ce qui stigmatise la lecture dans son immobilisme. Le livre referme signifie notre agrippement à nos évidences. Les muscles de la raison se mettent en branle pour faire glisser l'émotion dans le tube digestif de l'oubli généralisé.
Le voyage picaresque devient pittoresque et de bon aloi.

Le deuxième album, survient aussi peu soudainement que le premier, à savoir que force trompette et clairon du milieu ont annoncées sa venue. Le battage médiatique est en émoi (mécanique bien huilé dans laquelle l'événementielle tient lieu de roulement à bille).

Là l'imaginaire s'est préparé à ne plus agir, à laisser filer le décor. Sauf que voilà l'immersion en apnée ça vous joue des tours quand l'auteur décide de s'arrêter. L'arrivée au "camp de base" sonne le glas de la fuite du lecteur.

La fiction reprend enfin le dessus. De nouveau les pâles menaçante vrombissent, de nouveau il est impossible de ne pas voir que ces images de montagnes abrupt et douces à la fois, répercutent à foison l'écho annonciateur des luttes d'aujourd'hui et de demain.

L'œil subjectif s'attarde sur l'improbable ou l'inutile, margaret mead ou Alexandra david neels, n'auraient pas renié ces égarements et ces manquements à l'éthique ethnologique. Bien sûr ces portraits ne sont que le reflet distancié d'une réalité impalpable et autre. Bien sûr ces choix sont "utiles" à la progression du récit, à sa monté en "drame", à son impact émotionnel. Mais là encore il faut admettre une fois pour toute que la place forte de la réalité à était annexés par l'image télé. La guerre en direct est à nos portes, et nul n'est besoin d'en mesurer l'audience, elle fait déjà un carton.
Le récit c'est "prendre le temps", c'est avoir le luxe de poser l'urgence, de la mettre à plat, pour en saisir les impressions fugitives et vaines d'un homme.

Le premier tome "sauvé l'instant" pour le figé en équilibre entre raison et émotion, mais paradoxalement il provoquait notre compassion ouaté et surdéveloppé. Ici se met en place le temps de la réflexion, de la prise de contact, d'avec un univers qui nous use et vient à bout de nos plus tenaces convenances.

La discussion devient échange au sens pratique du terme. On fait prendre l'air à sa culture, histoire qu'elle n'est rien à regretter de ce temps perdue à ne pas vouloir lire. On comprend le sens des silences et la vacuité des couronnes de lauriers. Mais plus important on sent petit à petit la distance qui sépare le photographe des autres. L'empathie du non agir refait surface, obsession de nos comportements sociaux. Le photographe c'est celui qui "voit" le sens, qui donne sens à l'instant par ses choix, mais qui ne peut dès lors plus regarder et agir. Ses mains sont prises, l'action est pour un autre que lui. Au mieux il sera messager du malheur, oiseau de mauvais augure.

Le dessin fictionnel donnera corps à ce parcourt entre deux eaux. En permettant la représentation il autorise l'abstraction à sortir de son complexe de culpabilité à s'affranchir de sa position de témoin martyr ou d'artiste engagé. Dessiner "à partir" des photos c'est leur ôter tout possibilité de fuite, leur succession prend vie.

Du coup le goût de l'expérience du photographe devient plus puissant en bouche, et l'on se prend à regarder combien coûte le prix d'un billet. A ouvrir les livres d'histoires ou les atlas, pour voir ce qu'il est encore possible de faire.

Techniquement l'album est irréprochable, le découpage est éclairé. Le montage de "petites vignettes" pour décrire une opération agit comme un scalpel visuel, découpant l'action pour nous la rendre encore plus cru. En s'appuyant non plus sur la démarche mais sur le geste (médical) le photographe offre au lecteur, des images sans concessions certes, mais un contexte fort. Le choix de prendre en photo le transport de la jeune fille paralysé n'en dit pas long, mais en impose beaucoup! Ce n'est pas une leçon de courage mais d'humilité et de respect.

Il en va de même pour les dessins, qui cherche par un trait allant à l'essentiel à rendre compte des émotions des protagonistes plutôt que de leur intention. Il n'y a pas redondance entre les deux, ou même "complémentarité"; mais bel et bien une différence. Cette différence nourrie l'œuvre parle fait qu'elle fait naître chez le lecteur la nécessité de passer d'un mode de lecture à un autre, ne l'autorisant à pas à se reposer ou à se satisfaire. Le récit se forge dans ce parcourt et dans cette complexité. Offrant bien évidement une part esthétique en pâture aux fauves de l'audimat, mais conservant une intégrité sans faille.

On se focalise ici, sur la découverte d'un lieu et de ses habitants par un photographe "sans quête à faire valoir". Puis aux doutes de cet homme qui se refuse à n'être qu'un observateur, qu'un commis d'office ou qu'un objecteur de conscience. Et tandis que le lecteur referme la page sans qu'il n'y ais eu de changement providentiel, le photographe lui tourne les talons pour un retour "en solitaire".

Bien évidement ces albums prendront la poussière, deviendront livres de chevet de photo-reporters…et peut-être même seront conspuées…

Mais peut-on encore en parler…puisque déjà il nous faut courir acheter un billet d'avion?
ce billet si cher à mon coeur qui nosu fait passer de la rage aveugle à la contemplation...

ailleurs quoi qu'il en soit le monde est meilleur...

Merci à Ed qui m'a fait la prendre en voyage et qui ma la fait lire... :wink:
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je me suis concentré sur "l'oublie" parce que je ne pensais que j'aurais encore besoin de "parler" du silence que ce genre d'ouvrage brise..."silence" un mot galvaudé pour parler esthétiquement des fins de non recevoir, pour faire croire que les détournements de regards ont de l'importance.

j'aurais peut-être du parler de ce silence au point ou j'en étais, silence des cases...pour la beauté et dénie abyssal pour le reste
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  • 3 weeks later...
Pas grand chose à ajouter sur les commentaires déjà parus :

C'est le souffle coupé que l'on referme le second tome, par ailleurs bien plus dur que le premier. Les photos, le dessin, l'histoire : on peut s'étendre bcp sur le sujet.

Mais par dessus tout, lorsque l'on prend conscience que l'histoire qui est narrée n'est pas une fiction, que les photos ne sont pas dessins et qu'elle sont ce que le photographe a vu, que les dialogues sont ceux qu'il a entendus, c'est la claque.

La double page qui reprend l'annecdote du boulanger et du pain m'a littéralement fait craquer et si je le devais, c'est ce que je retiendrais de cet album. A ce moment là, j'ai eu les larmes aux yeux.
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Le Photographe est une bd hors du commun. En premier lieu, pour les lecteurs et puis également pour les auteurs qui avec ce récit auto-biographique nous font découvrir le sens profond du mot Humanitaire.

Didier Lefèvre est avant tout photographe et écrivain. Il s'est associé avec Emmanuel Guibert pour nous donner une version bd de son histoire. Une aventure qui a marqué sa vie et qu'il a vécu en Afghanistan, en 1986, en participant à une mission humanitaire avec une équipe de Medecins Sans Frontières. On suit l'auteur avec beaucoup de curiosité. On découvre son premier contact avec les medecins de son équipe, sa rencontre avec le peuple afghan, son initiation aux coutumes locales ainsi que son apprentissage de la langue arabe.
Le scénario est très convaincant et c'est avec beaucoup de joie que l'on découvre ce territoire grandiose mais peu connu des occidentaux. Grace à cette bd, on apprend à mieux cerner la mentalité des autochtones qui, malgrès leur souffrance, ont sû garder un certain recul sur les évènements qu'ils subissent jour après jour. Leur genérosité est vraiment admirable et franchement, je pense qu'ils devraient être un modèle pour certains d'entres nous. L'equipe de MSF qu'on découvre au fil des pages n'est pas à négliger non plus. Celle-ci est constituée de personnages haut en couleur qui en deviennent très vite attachants. Pourtant, une de ces protagonistes sort du lot : Juliette, la chef d'expédition. Un petit bout de femme qui réussi admirablement à se faire respecter par ses Moudjahidins peu enclin a être commandés par une femme.
Ceci-dit, leur engagement et leurs motivations inspirent notre respect à tous et on peut se demander où vont-ils puiser leur force pour aller jusqu'au bout de leurs convictions ?

Emmanuel Guibert est un auteur à part. Ses collaborations sont souvent fructueuses et toujours dans un esprit inovateur. Son dessin a quelque chose d'envoutant.
Est-il habité par un démon ?! Bref, son traît, souvent épuré, ne manque pas de charme. Pour cette bd, il effectue un vrai exercise de style en associant son travail avec celui de Didier Lefèvre. Je dois dire que le résultat est plutôt convaincant.

En résumé, Le Photographe nous fait découvrir un nouvel aspect de la bd. Celui-ci ne manque pas d'interêt.
Cette série est à suivre impérativement !
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