Ayant eu le grand privilège de visiter l'île de Gorée et sa maison aux esclaves , il était compliqué pour moi de passer outre cette sortie des éditions PetitàPetit sur le commerce triangulaire .Cette visite m'avait marqué et je m'étais positionné tel Barrack Obama (photo ci-jointe) dans cette ouverture orientée vers l'océan (afin d'apercevoir les navires arrivant les cales vides) pour tenter de m'immerger dans cet effroyable pan de notre histoire . Ici , nous n'irons pas en baie de Dakar mais sur les rives nantaises , les côtes angolaises , puis Saint Domingue . La traite négrière fait bel et bien partie du patrimoine historique de la ville de Nantes (au même titre que Bordeaux , La Rochelle etc ...) et les auteurs nous proposent une immersion documentée et précise de toutes les étapes articulant ce commerce humain . Dans un ordre chronologique , les chapitres avancent , entrecoupés de double-pages où les bulles laissent la place aux archives d'époque et autres photos de musée . Nous découvrons une mécanique bien huilée sur l'armement des navires ainsi que leurs financements multiples et complexes . Le choix du capitaine , déterminant car le chemin est long et semé d'embûches , ainsi que les membres d'équipage , sont des étapes importantes pour l'armateur . Tout est comptabilisé et assuré , même une éventuelle mutinerie , dans des pourcentages .Les auteurs utilisent volontairement les termes employés à l'époque comme "nègre" ou "négrillon" pour appuyer cette déshumanisation totale , car en effet , les africains de la côte ouest n'étaient pas mieux considérés que du bétail . Classés , triés , évalués ,tels des animaux .... Cette ignominie pour nous autres contemporains , était tout à fait naturelle pour les européens de cet âge .
Le dessin semi-réaliste convient parfaitement pour nous décrire les rues pavées nantaises ainsi que les navires ancrés au port . Lorsque les côtes africaines se font ressentir à quelques encablures de leur voyage , c'est au tour des villages angolais d'être décrits , ainsi que le fonctionnement de ce marché humain local . Puis , vient le long voyage de deux mois environ avec des explications sur la vie à bord , la nourriture donnée aux "captifs" , leurs sorties de l'entrepont (ne dépassant pas 1m50 de hauteur) ainsi que leur participation aux tâches inhérentes maritimes . L'arrivée à Saint Domingue pour y effectuer les ventes d'esclaves; et achats de produits locaux qui reviendront au point de départ , la préfecture de Loire-Atlantique . Tout est bien huilé et d'un sarcasme sans nom afin de réaliser encore des économies sur le dos des esclaves . Sans jugement des auteurs mais avec une infinie précision , les arcanes de ce terrible commerce prennent vie sous nos yeux au fil des pages . Savoir d'où l'on vient est une composante essentielle de nos sociétés . Oui , nous avons effectué cette horreur .
Une lecture nécessaire , voire indispensable , à partir de 10 ans afin de mieux comprendre la totalité .
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