Nullement aisée fût la tâche de la psychiatre canadienne Suzanne Leclair de rédiger une énième biographie de Sigmund Freud ! L'homme est une telle source d'inspiration et a si profondément bouleversé notre savoir , que de nombreux auteurs ont déjà écrit des biographies ou autres histoires sur cette vie si riche . Dans cet ouvrage , il ne sera pas question de ses consultations avec Anna O entre autres , mais des moments clés de sa vie de patient et non de médecin . L'apparition de cette douleur lancinante buccale constitue le point de départ de cette danse macabre qu'il va livrer pendant 16 ans ! Le dessin "photographique" par moment , alterne avec des cases plus "peinture" ; le noir et blanc profond et encré , pour une période annonciatrice de jours sombres , se permet un carmin sur certaines pages signifiant les cellules cancéreuses et/ou la montée du nazisme en Autriche . L'immersion est totale , on est pris dans cette spirale de mauvaises nouvelles déferlant sur le docteur Freud . Des planches abstraites et inquiétantes jalonnent le récit , elles symbolisent le mal rongeant et sonnent comme une éloge funèbre .
Je dois bien avouer avoir été surpris de voir son médecin lui déconseiller de fumer , mettant son tabagisme comme cause principale de son cancer . Les premières études épidémiologiques démontrant la réelle nocivité du tabac ne sont sorties qu'en 1950 , soit bien avant le décès de Freud en 1939 ! Erreur ou pas des auteurs , Sigmund Freud ne cessera jamais de fumer . Ce substitut à la masturbation comme il l'analyse , le poursuivra jusqu'aux derniers instants de sa vie . Il est intéressant de noter dans le récit sa persévérance face à la maladie et ses nombreuses opérations , les prothèses qu'il va devoir mettre , même son intention ferme de rester en Autriche malgré les exactions naissantes des nazis . Il finira quand même par rejoindre Londres , accueilli à bras ouverts par les anglais férus de sa science ; mais à contre coeur réellement . Il continuera sa vie là-bas , alternant cigares , de rares consultations, et l'aide immense de sa fille Anna elle aussi médecin , qui le soignera et jouera les infirmières jusqu'à la fin .
La fin justement , j'ai découvert qu'il avait choisi plus ou moins de "partir" , bien aidé par son médecin traitant et la morphine distribuée par doses croissantes de jours en jours . On apprend encore sur le père de la psychanalyse , avec ce roman graphique des plus réussis . Pari gagné pour Suzanne Leclair , et haut la main !
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