Avec Lancelot Dulac, Victor Pouchet nous livre une réécriture du mythe arthurien et de l’initiation chevaleresque. Ainsi, Lancelot Dulac, un jeune adolescent de notre monde bien contemporain se retrouve-t-il entrainé dans l’aventure intime mais non singulière du sentiment amoureux dans ses premiers élans et qui ouvre les voies profondes de la construction de l’individu face aux regards de l’être aimé et à ceux du groupe, face à soi-même. Et parce qu’il se nomme Lancelot et qu’il est un jeune garçon qui éprouve, aime et imagine, son aventure prendra la forme de ce récit de chevalerie que nous connaissons bien parce qu’il en existe de si nombreuses versions. L’album s’ouvre ainsi sur une citation du Quichotte de Cervantès : « Tout ce qu’il pensait, voyait ou s’imaginait, lui semblait être fait et se passer de la même façon que ce qu’il avait lu. » Voila pour le matériau du livre. L’écriture est claire et efficace, le narrateur est extérieur à l’histoire mais la focalisation est bien celle de Lancelot et nous naviguons ainsi avec lui assez facilement d’une épreuve à une autre, d’une émotion à une autre.
Quelle plus grande première aventure que celle de la cour du collège ? Quel jeune adolescent ne pourrait-il pas se reconnaitre dans ces premières tentatives difficiles de décrypter les autres, l’autre, et puis soi-même, de se faire sa « juste » place, de saisir ce que peut être la vraie « valeur » ? L’identification est facile et le sens guidé par la métaphore imaginaire de Lancelot. D’un accès facile donc pour de jeunes lecteurs.
Les planches Arty de Killoffer illustrent à merveille le récit et l’on oscille là encore entre l’imaginaire arthurien et la cour de l’école, le tout récupéré par un bédéiste pop rock qui donne une image très singulière de cette quête intime dans un monde où les autres prennent la forme ou plutôt « l’aforme » des anonymes d’un Keith Haring. C’est une belle réussite visuelle et elle fonctionne parfaitement avec le récit, et inversement.
Que nos petits lecteurs découvrent ou redécouvrent le mythe arthurien dans ce récit n’a pas d’importance ; la force du texte réside ailleurs et justement en ce que les grands mythes parlent simplement et justement de l’homme et de ses tourments. Et Victor Pouchet a su donner un riche écho au mythe original et c’est une autre histoire -et toujours la même- que nous lisons alors, celle de Lancelot Dulac qui ira jusqu’au bout de cette quête de lui-même. Et l’on peut finir ici par cette chansonnette que pousse Lancelot dans cette première ultime épreuve de son aventure, parce que c’est en partie là ce que nous devons retenir de cette si jolie histoire.
« Le trampoline va de la terre jusqu’au ciel
Entre la chance et le puits, tu reviens et c’est fini.
Moyen, petit ou grand, tu es là pour t’envoler,
Lance toi en avant, prends garde où tu mets les pieds. »
Commentaires recommandés
Il n’y a aucun commentaire à afficher.
Rejoindre la conversation
Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.